Nous avions vu ce cap rocheux au printemps, battu de vent et de mer. Aujourd’hui, il n’y a ni jaillissements d’écume, ni roches ruisselantes, ni embruns, mais des criques tranquilles au soleil. En cette fin octobre, nous avons même rencontré une baigneuse.

Le chemin des Bruzzi monte et descend les collines, serpente d’une plage à l’autre. Partout, des cistes, des genévriers des pistachiers lentisques, des arbouses. Certains buissons brossés par les rafales rappellent que nous sommes au pays du vent.

Le sentier est désert. Les oiseaux sont ailleurs ; les sangliers ont remué la terre à la recherche de nourriture, mais ils sont invisibles. Il n’y a que les lézards qui surgissent brusquement sous nos pas. Tout est sec, mais de minuscules fleurs violettes ont réussi à s’épanouir. Crocus ? Colchiques ?

Des roches extravagantes taillées en étranges formes que l’imagination déguise de noms mythologiques surgissent du fond des eaux.


D’autres roches fendues en valve de coquillage sont semées dans la colline

J’ai une amie que mon blog énerve beaucoup. Il lui paraît inutilement précieux. Pourquoi redoubler les photos par des mots ? Eh bien, pour le plaisir de rester un peu en arrêt devant mes souvenirs, de réveiller mon attention, et parfois de toucher juste comme si je ne pouvais les conserver hors du langage. Et voilà le plaisir de la promenade redoublé.
Les flamants du changement climatique
Des flamants sont installés dans les anciens marais salants de la ville. S’agit-il d’une nouvelle étape dans le long voyage qui les mène en Afrique, ou d’une installation pérenne puisque désormais le thermomètre descend rarement au-dessous de zéro sur les rivages corses ?

Ils sont gris ces flamants, faute de larves et de crevettes contenant du carotène. Ils se contentent de pattes roses et d’un liseré rouge au bord des ailes…Ils sont quand même superbes et les habitants de Porto-Vecchio se pressent pour assister au spectacle. Quasi apprivoisés, mais tout de même les pieds dans l’eau pour se protéger des prédateurs, ils n’ont peur de rien.

D’ordinaire, ils se tiennent debout, perchés sur un pied. Formes courbes, et lignes droites, fines pattes verticales, ou patte repliée à l’oblique. Tant d’oiseaux sont rassemblés qu’il en résulte une merveilleuse variété de figures. Oh ! Superbes oiseaux géomètres !

Ces maigres pattes démesurées leur donnent une allure sophistiquée. Leur marche lente, extraordinairement graphique, me rappelle tout à coup les jeunes femmes russes juchées sur des talons de 20 cm qui se promenaient devant les vitrines luxueuses de la rue Tverskaya à Moscou. Mais trêve de pensées parasites, je ne retournerai sans doute jamais à Moscou et d’ailleurs, il suffit d’approcher pour voir que le miroir scintillant de la saline, dissimule une eau saumâtre, qui n’a rien à voir avec les dalles brillantes des rues du centre moscovites.
Dernier détail. Nous n’avons pas vu Harris, le pélican solitaire, devenu la mascotte de la ville. Il est arrivé en automne 2020 en provenance de la réserve de Sigean où il vivait en semi-liberté. Sa mère, puis son père étaient morts de botulisme alors qu’il dépendait encore d’eux pour se nourrir, et il est parti à l’aventure avec un frère. Il s’est dirigé vers la Corse et son frère, sans doute vers les Baléares. Une assistante vétérinaire l’a repéré, l’a baptisé Harris et l’a nourri avec l’aide bien nécessaire du poissonnier, des pêcheurs puis des habitants de Porto-Vecchio, car il lui faut un kilo de sardines tous les jours. Il est reparti au printemps, mais on m’a dit qu’il est de retour, toujours seul. Habituellement, il se tient au bord du groupe des flamants. Ceux-ci ne remplacent pas une compagne, mais ce sont ses compagnons de pêche. J’aime bien cette image insolite de l’oiseau esseulé tout près de la société des flamants, à laquelle il n’appartient pas, mais qui ne le chasse pas.
Corse-Matin donne régulièrement des nouvelles du pélican : voir, par exemple, https://www.corsematin.com/articles/continuer-a-veiller-sur-harris-le-pelican-porto-vecchiais-122862
Ce qui fait l’intérêt et la qualité de ce blog, ce sont précisément les textes qui accompagnent ou plutôt qui éclairent les photos.
Ce sont les mots qui disent les choses, qui tentent de retenir ce qui fait la spécificité d’un paysage, les résonances qu’il suscite.
Ce sont les mots qui donnent à voir, qui donnent un sens au visible.
Le langage poétique me paraît être celui qui, parfois, s’en approche le mieux.
Ainsi, comment mieux voir un paysage de neige avec cet auteur que l’on pourrait qualifier de « précieux » Saint John Perse:
« Il neigeait, et voici, nous en diront merveilles; l’aube muette dans sa plume, comme une grande chouette fabuleuse en proie aux souffles de l’esprit, enflait son corps de dahlia blanc »
(Exil)
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Oui et il m’arrive de m’obstiner jusqu’à avoir l’impression de préciser pourquoi mon rapport aux choses me rend heureuse (ou peut-être pourquoi dire quelque chose de ce rapport me rend heureuse).
Merci pour le très beau poème de Saint John Perse… en attendant la neige !
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Les flamands roses me font penser à ceux de Cagliari qui n est pas si lointaine
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Les passereaux ont quasi disparu, mais jamais nous n’avions vu tant d’échassiers. Dans les marais, il y a des dizaines d’aigrettes qui pêchent.
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Toujours tres terre a terre.:
Les crocus, c’est au printemps, les colchiques c’est a l’automne
Toujours un plaisir de te lire..et par la meme, de savoir ou vous etes. 🙂
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Hello Josette. Oui, je sais bien « Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été »…. Mais au milieu des cailloux, ces colchiques sont si improbables que je voulais les appeler crocus. Après, je crois me souvenir qu’il faut regarder les étamines (6 pour les colchiques, 3 pour les crocus)…
A Paris, c’est vraiment l’automne. Et chez vous ?
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