Le pont Caulaincourt me donne l’impression de reculer vers une époque lointaine car il me rappelle un peu le Pont de l’Europe de Caillebotte, sans doute à cause des croisillons en forme de X qui rythment la rambarde, parce que l’ombre projetée sur le trottoir dessine des motifs qui prolongent le décor géométrique, et parce que la grande diagonale du pont occupe presque toute l’image transformant les passantes en silhouettes chargées d’exprimer la mobilité urbaine.


Le pont Caulincourt domine (et coupe en deux) un cimetière installé dans d’anciennes carrières de gypse. La première fois que j’y suis passée, le soir tombait. Les dernières lueurs du couchant éclairaient un amoncellement désorganisé de tombes. Le paysage paraissait tourmenté, avec des pentes sombres qui me semblaient des gouffres et les rares lumières des immeubles qui formaient une muraille autour d’un vaste amphithéâtre.
En plein jour, l’effet de viaduc dominant un paysage déchiqueté s’est estompé, mais reste cette rencontre saisissante entre le pont des vivants et le cimetière des morts.

D’en-bas, on voit des tombes qui viennent toucher le tablier du pont.

La construction n’a pas été de tout repos. La mairie de Paris souhaitait désenclaver la butte et le seul passage possible était le cimetière. Il fallait cependant déplacer les sépultures touchées par les travaux ce que refusaient les familles concernées, en particulier celle de l’amiral Charles Baudin qui adressa une pétition au Sénat. Le Sénat s’assembla, délibéra, réfléchit et vota la suppression du chantier en 1861. Il fallut attendre 1888 pour que les travaux démarrent et aujourd’hui le pont couvre une partie du cimetière.

Ce lieu de malheur est aussi un lieu de promenade. Quelques personnes prennent des photos du plan pour pouvoir retrouver les sépultures célèbres : le cimetière a été ouvert en 1798 et bien des écrivains, des peintres, d’autres artistes du 19e et du 20e siècles y sont enterrés, Stendhal, Alexandre Dumas fils, Zola, Beckett… Nijinski, la sœur de la Malibran, la compositrice et mezzo Pauline Viardot, des comédiens et des chanteurs comme France Gall sous une verrière, Dalida dont la statue en sainte vêtue de blanc surprend un peu…
De petits sentiers serpentent entre les tombes.

Nous ne fréquentons guère les morts célèbres, mais puisque nous sommes là , nous jetons un coup d’œil sur la sépulture des Goncourt. On croit souvent que les deux frères ont été des compagnons pour la vie, mais Jules est mort de syphilis a 40 ans et Edmond lui a survécu plus de 25 ans.

Je ne sais pas qui a voulu que son tombeau soit veillé par deux gardiens égyptiens. Hélas, le temps ronge aussi les tombeaux et je n’ai pas su déchiffrer le nom inscrit au-dessus de la porte.

Il y a aussi des monuments spectaculaires comme celui de Delamare- Bischel, un édifice Art nouveau de pierre rose étalant ses grâces depuis la flamme du sommet, jusqu’aux formes en drapé du pied. Les historiens du cimetière donnent le nom de l’architecte, Boiret, mais les Delamare-Bischel ne leur sont pas connus.

Si ce tombeau a été voulu pour conquérir l’immortalité, c’est raté. L’histoire semble avoir oublié cette famille.
Un quartier que je ne connais pas du tout. Tu me donnes des idées de nouvelles promenades.
Je saute du coq à l ‘âne. La Cirse de Maup
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A charge de revanche… Echangeons nos quartiers favoris !
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Oups!Le commentaire est parti trop tot
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Il s’agissait de La Corse de Mauoassant
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