Un musée-jardin au centre de la ville
Musée gratuit de la Ville de Paris. Café-restaurant au 1er. 18 rue Antoine Bourdelle (métro Montparnasse)
Je me souviens mal du musée d’avant la restauration. Il me semble qu’il n’a pas été modifié de fond en comble. D’ailleurs, les notices expliquent qu’il s’agissait surtout de consolider le bâtiment du 19e siècle et de le protéger de l’humidité. Pourtant, tout semble s’être éclairé. On arrive dans un atelier, îlot préservé du Montparnasse des années 30, près des emplacements où Rodin, Dalou, Carrière travaillaient.
Bourdelle. La leçon de l’antique
Ce qui m’étonne le plus dans les sculptures de Bourdelle, c’est la constance des thèmes. A côté des bustes de célébrités, des allégories monumentales pour esplanades, qui ne me plaisent qu’à moitié, à côté du cavalier de bonze, morceau de bravoure attendu de la part d’un grand sculpteur, il y a des œuvres dont les thèmes sont empruntés à la mythologie grecque sur lesquelles Bourdelle est revenu toute sa vie, variant les matériaux, les dimensions, stylisant quelques traits afin d’accentuer la structure des formes.


Il a donné un corps à des centaures, des nymphes…

Son Héraklès archer, les jambes écartelées au-dessus du vide, le buste tendu, a acquis peu à peu son visage archaïque, aminci, aux yeux en amande, au nez dans le prolongement du front, accordé au mouvement du corps. Les écoliers de France dans les années 60 se servaient encore de cahiers ornés d’une gravure représentant cet Herakles inscrite pour toujours dans leur mémoire.



Ainsi sa Pénélope, dont nous avons souvent vu une copie de loin en contrebas du Ministère des Finances presque à hauteur du pont, ici placée au milieu de la salle des plâtres. Elle a, raconte la notice, le visage de la première épouse Stéphanie Ven Parys et le corps de la seconde, son élève Cléopâtre Sevastos, avec son déhanchement antique et le plissé de sa robe si semblable aux cannelures des colonnes de Grèce.


J’ai vu trop vite la section qui explique la préparation des bronzes depuis le modelage jusqu’à la coulée finale. Je voulais profiter du jardin des statues car le musée prête des sièges aux visiteurs qui veulent s’y installer pour dessiner ou tout simplement prendre le frais sous les lilas.

Philippe Cognée et la crise de l’art
Nous sommes allés voir l’exposition Philippe Cognée D’après la peinture. Bien qu’il déclare dialoguer avec l’œuvre de Bourdelle, son travail me paraît très éloigné de l’équilibre entre classicisme et modernisme que ce dernier recherchait. L’exposition commence par des images du monde réel, du moins à le regarder de loin. Le supermarché Leclerc est hyperréaliste et pourtant flou parce que le peintre a recouvert le tableau achevé d’une cire recouverte d’un film en plastique. Fondue au contact d’un fer à repasser, une fois le film arraché, la cire vient faire trembler la peinture. Les contours sont moins nets, les pigments se mélangent et laissent apparaître une image vibrante.

J’ai été fascinée par ses tableaux de fleurs. Le cadrage, la disposition sur des fonds sombres uniformes et surtout le changement d’échelle ajoute de l’intensité à la représentation et apparentent pivoines et amaryllis aux personnages de Bacon.
C’est une harmonie de blanc nacré pour les amaryllis. Philippe Cognée évoque dans la notice, les danseuses Loïe Fuller et Isadora Duncan, cachées dans le tourbillon de leurs voiles, agitées par une musique silencieuse. Les pétales de l’amaryllis déploient leurs arabesques dans un dernier élan avant la pesanteur de la mort.

Les pivoines sont plus angoissantes. Les pétales n’ont plus la force de l’élan. Leurs grenats, leurs violets évoquent des chairs sanglantes au bord de la décomposition. Plus encore que les blancs amaryllis, les pivoines sont des vanités qui donnent à voir la vie juste au bord de la mort.


J’ai vu sans trop m’y attarder le catalogue de Bâle. Pendant des années, Philippe Cognée a déchiré des pages significatives du catalogue de la grande foire de Bâle pour les repeindre » : 1100 « repeintures », entre copie et recouvrement, sont exposées. Le peintre donne ainsi à voir son affrontement avec ses contemporains. Je dis affrontement, mais il faudrait plutôt dire emprise selon l’intitulé de l’exposition : « La peinture d’après ».

Le catalogue s’adresse aussi à nous qui consommons de la peinture. D’abord on s’amuse à identifier les peintres, Picasso, Giacometti, Rothko, Bazaine ( ?)… Pour la plupart des œuvres, on ne peut pas. Alors quoi ? La peinture est-elle menacée par une sorte d’obsolescence programmée comme les objets du supermarché ? Peut-on parler encore des trésors de l’art alors qu’un nouveau style apparaît chaque année, qui efface le précédent ? L’abus d’art ne mène-t-il pas à l’anéantissement de l’art ?
Le propos de Philippe Cognée est sévère. De la trivialité du supermarché à l’accumulation commerciale d’une société d’images, à ces fleurs épuisées au bord de la mort, il nous parle d’une société en voie de désagrégation.
Tu as pu profiter du beau temps je suis allée samedi sous une pluie battante et pour les extérieurs c était loupé. Par temps de canicule cela doit être très bien.
Pour Cognée j avais beaucoup aimé les paysages à Chaumont et les peintures de l’Orangerie. Les fleurs et l’es portraits d’après Rubens et Ingres m ont émerveillée. Le catalogue de Bâle m à agacée.
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Pour moi, la visite a été l’occasiion de découvrir Philippe Cognée, , plusieurs fois manqué. D’accord pour ta réserve sur le catalogue de Bâle, mais c’est intéressant d’inscrire ce que j’imagine du projet dans une démarche d’ensemble. Je vais aller voir ton blog sur Chaumont. J’espère y trouver tes impressions.
Sonia
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Mon souvenir du musée Bourdelle date d’avant sa rénovation :
D’abord une enclave méridionale dès l’entrée dans la cour jardin avec ses arcades en briques de Montauban et sa haute galerie couverte.
Deux œuvres particulièrement remarquables empruntées à l’antiquité grecque, Pénélope et Sapho , toutes les deux sont pensives, l’une la tête légèrement penchée sur sa main, l’autre accoudée sur sa lyre, mais plus rêveuses plus mystérieuses que le Penseur de Rodin.
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Il fallait être originaire du Sud-Ouest pour être si justement sensible au lien des sculptures avec les « briques de Montauban ». Je n’ai pas bien vu Sapho. Au fond, il m’arrive souvent de ne voir bien que ce que je connais (pas en vain, j’espère). Je retournerai au musée pour Sapho.
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