L’Echangeur de Bagnolet
Je n’allais pas à Bagnolet. Je voyais seulement, quand j’empruntais parfois le périphérique, deux tours, les Mercuriales, avec leurs parois réfléchissantes qui leur donnaient un air de twin towers version du pauvre, juste après l’indication d’une bretelle d’accès à la Porte de Bagnolet. Après ce repère, il fallait arriver à la Philharmonie pour retrouver un bâtiment monumental.
Au retour, je reprenais le périphérique « dense, mais fluide », regardant les lumières de la Ville et des automobiles, l’échangeur de Bagnolet, les grandes lettres sur les Mercuriales, le flux rouge des feux arrière, le flux jaune des phares d’en face qui coloriaient la chaussée mouillée.
Malgré les Mercuriales, Bagnolet n’existait pas. C’était un nom sur un panneau qui n’était là que pour être dépassé par les milliers de voitures accumulées sur le périphérique. Dans cette section, on était sûr de rencontrer un ralentissement à l’échangeur car un flot d’automobiles venues de l’autoroute A3, l’autoroute la plus empruntée d’Europe, s’ajoutait après l’embranchement.
J’avais beau savoir que les Parisiens vivaient surtout en banlieue. Le périphérique faisait frontière.
Un jour pourtant, j’ai dû me rendre à Bagnolet pour voir quelqu’un. J’ai regardé le plan sur Google Map. Sur le côté gauche, en bordure de ville, on voyait l’échangeur de Bagnolet et il était possible d’agrandir le dessin. J’ai admiré la composition de l’architecte, Serge Lana, la flèche formées par les rues à l’équerre de l’ancien quartier, avenue de la République, avenue Ibsen, la quasi droite du périphérique, les courbes de l’échangeur.

Les photos, aussi étaient jolies avec leurs rubans de béton qui rejoignent la voirie locale encore plus visibles que sur le dessin.

Echangeur me rappelant vaguement échangisme, j’imaginais la gigantesque partouze de la civilisation automobile, troquant des camions belges contre des automobiles locales qui se rendaient au supermarché. J’ai cherché sur Internet l’histoire du projet : Serge Lana, un de ces grands aménageurs qu’a produit la France récente, avait voulu rééquilibrer l’agglomération parisienne en modernisant Bagnolet, longtemps laissé à l’abandon. Comme dans un organisme géant, les routes et le métro de la ligne 3 allaient irriguer les organes d’une nouvelle Défense, des bureaux, des lieux de consommation et des hôtels pour hommes d’affaires tout juste débarqués de Roissy.
Il reste de ce projet non abouti, le terminal des cars européens, le centre commercial Bel Est et les deux tours Mercuriales de 175 et 141 m bâties entre 1975 et 1977, qui représentent une surface de 80 000 m² et sont actuellement en grande partie vides. Elles ont été acquises par le promoteur anglo-israélien Omnam. Selon le nouveau programme, la tour Levant (côté A3) restera une tour de bureaux, la tour Ponant (côté Paris) sera transformée en hôtel haut de gamme.

Du grand programme de Lana, reste aussi l’arrêt de métro Gallieni, terminus de la ligne 3 qui vient du centre de Paris. Plus de coupure, plus de frontière ! J’ai réalisé qu’une station de métro faisait plus pour établir une continuité que tous les discours sur le grand Paris.
Sur le parvis, toutes les nationalités se croisent, Africaines en boubou, Maghrébines à foulard, Européens, tous en route vers le centre commercial du Bel Est où l’on trouve toutes les boutiques spécialisées de la consommation, des banques, des bijouteries, un fleuriste, une pharmacie, une bijouterie, des petites boutiques de mode et diverses formes de restauration qui masquent un peu la démesure de l’hypermarché avec ses immenses étals de viande, de crèmerie, ses dizaines de caisses enregistreuses… et ses chariots pleins à ras bords.
Je suis contente de ne pas avoir à y aller. Je profite des Franprix et autres Monoprix de Paris où l’on paie un peu plus cher, mais où on achète moins de choses, ce qui fait qu’on ne doit pas dépenser davantage au final.
Sur le parvis, des vendeurs de pizza et de poulets grillés. En face, les Roms ont installé un campement : des matelas protégés de la pluie, des chaises, une table. Pas de bébés endormis ou drogués au phénergan. Deux enfants jouent avec une trottinette profitant de la liberté de la rue, désormais interdite aux petits Parisiens (qu’on ne voit plus jamais seuls dans l’espace public).


Le Bagnolet villageois
Il suffit de tourner dans la rue des Fleurs pour échapper à la foule et pour se retrouver dans des rues villageoises au nom fleuri. Le bruit de la ville vient de très loin.
La proximité de la Société de Distribution de Chaleur de Bagnolet (SDCB) qui fournit le chauffage urbain d’une partie de la ville empêche encore les prix de s’envoler car on n’aime jamais trop vivre à proximité de grandes cheminées…

Plus haut, de l’autre côté de l’avenue Jules Vercruysse, le quartier est en voie de « boboïsation. Les maisons sont souvent étroites, les étages rares, encore plus rares, les balcons, mais il suffit d’une glycine, d’une vigne vierge pour transformer en villa une bicoque joliment retapée. Les annonces sur Internet proposent des maisonnettes à 650 000 euros.

Les ombres du Bagnolet d’antan sont en train de partir. Les ruelles tranquilles se partagent entre des maisons où des familles venues d’ailleurs s’entassent et des maisons aux baies vitrées qui font rentrer la lumière à flots dans leurs salons.


Quelque part, un enfant s’essaie au violon. La mélodie qui grince un peu n’enlève rien à la sérénité de la rue.
Parc Jean Moulin – Les Guilands
Comme il fait beau, je décide de poursuivre mon chemin et de rentrer par Le Parc Jean Moulin – Les Guilands qui permet de redescendre sur Montreuil et de rentrer par la ligne9.
Il s’agit de la réunification de deux parcs, l’un sur la ville de Bagnolet et l’autre sur Montreuil, ce qui permet d’atteindre 26 hectares de verdure. On entre par une pinède à Bagnolet et on rencontre un terrain occupé ce jour-là par des joueurs d’un sport non identifiable. Il semble que l’équipe soit pakistanaise. Armés de battes de baseball ou de cricket, les joueurs se balancent d’une jambe sur l’autre en attendant qu’une balle soit lancée (qui la plupart du temps rate son but). Le meneur de jeu pousse un cri terrible et tombe tout de suite dans une apathie étonnante. Les joueurs ont l’air de s’endormir et nous nous assoupissons au soleil en attendant le coup suivant qui vient… ou qui ne vient pas.

Plus loin, une aire de jeu pour enfants ; les panneaux expliquent que des animations comme la venue d’un cirque sont organisées toute l’année.
Plus loin, une esplanade, une grande prairie, avec vue sur des jardins partagés et sur les grands ensembles.

La Maison du parc et son esthétique Ikea

Coté Montreuil, on peut apercevoir la « Cascadelle », un escalier de plus de 100 marches. Dommage ! La cascade d’eau annoncée ne coule pas. Plus haut, un étang artificiel avec ses canards et dit-on la nuit des fouines, furets et autres petits carnassiers.
Redescente vers Montreuil :


Tant pis pour Paris-le-petit qui se croyait protégé de la banlieue grâce au périphérique (qui avait lui-même pris la place des fortifications militaires désaffectées après la première guerre mondiale). En redescendant du grand parc dont j’ignorais l’existence, je me suis demandé qui vivait de l’autre côté. Au fond, c’était peut-être Paris, encerclé, qui était privé de sa moitié du ciel.
Bibliographie : Groupe Tomato architectes, 2003, Paris , La Ville du Périphérique, Le Moniteur (ce groupe d’architectes défend l’idée de transformations en cours permettant de mieux intégrer périphérique et banlieue)
Bagnoles, nu nom que tout le monde connaît sans vraiment mettre une image sur cette ville. Merci Sonia 🙂
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Gallieni, c’est la ligne 3😉
Pas de mérite je travaille Porte de Montreuil (à la CNAM) depuis le mois de juin…
On se revoit mercredi ?
Amitiés
Marianne
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Oups ! Quand il s’agit de métro, mes doigts tapent automatiquement ligne 6. Je l’ai prise si souvent !!!
A mercredi. Je comptais revenir (tu me raconteras la CNAM à la pause)
Sonia
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Eh oui! il y a un monde derrière le périphérique! et c’est tout un domaine à explorer
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Ce n’est que le début de mes balades à Bagnolet. J’y reviendrai…
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