(Rue des Bordes, Chènevières sur Marne. Transport en commun : ligne A jusqu’à Sucy Bonneuil, puis bus 308
Site internet : francilianes.fr).
L’Asinerie
Sur le plateau qui domine la Marne, c’est un terrain enclos, pauvre, à la fois caillouteux et très boueux. On est presque en ville, au bout d’une zone industrielle et non loin de pavillons et de tours. L’Asinerie Francilianes installée aux frontières de la capitale à côté d’agriculteurs bio qui cultivent et vendent leurs légumes, a pourtant l’air en pleine campagne.
Personne ne va plus à dos d’âne ; on ne confie plus de charge aux ânes, on ne leur fait plus tirer les roulottes. Que font ces bêtes dans le pré ? Le panneau explicatif nous fait rire qui évoque les bains de lait de Cléopâtre. Un peu de légende permet de vendre des produits de beauté qui nourrissent, hydratent, raffermissent la peau. Et puis, les ânes attirent les enfants et Francilianes a su nouer des partenariats avec les écoles.
Un couple s’est approché avec du pain ou des carottes (ce qui est pourtant interdit) : les ânes se pressent contre la barrière. Ils nous laissent caresser leur tête velue, toucher leurs longues oreilles. Je croyais que leur poil serait rêche, mais il est très doux.
Herbes brillantes de l’autre côté de la vitre
Ce jour-là, il faisait froid. Au bout du champ des ânes, l’étang était gelé. L’eau, montée avec les dernières pluies, emprisonnait sous une croûte de glace les herbes vertes d’un hiver clément. Je me suis approchée, fascinée : les herbes immobilisées derrière la vitre de glace qui les protégeait du vent avaient conservé leurs couleurs brillantes. Elles semblaient flotter comme la chevelure verte d’une Ondine symbolisant les sortilèges d’un amour inaccessible.
Celui qui rêve d’une rencontre avec la beauté naturelle peut se perdre pour la première des ondines venue, une petite fée aux yeux clairs qui attend qu’un jeune homme la délivre de la solitude : « Viens, viens à moi ! Brise ma prison de verre, cet écran qui nous sépare ».
Et déjà le pêcheur a mis le pied dans l’onde
Pour suivre le fantôme au regard fascinant :
L’eau murmure, bouillonne et dévie
« De ma bouche bleuâtre,
Viens, je veux t’embrasser,
Et de mes bras d’albâtre
T’enlacer, Te bercer, Te presser !
« Sous les eaux, de sa flamme
L’amour sait m’embraser.
Je veux, buvant ton âme,
D’un baiser M’apaiser, T’épuiser !… »
Théophile Gautier, « L’Ondine et le Pêcheur » in Poésies diverses, 1838 – 1845.
Heureusement, la fée de la mare de Chènevières ne peut guère avoir plus que la taille d’une main et l’ensorcelé qui ne résisterait pas à son appel ne risque pas la noyade dans dix centimètres d’eau. Tristement revenu de son illusion, les pieds mouillés, une touffe d’herbe terne entre les mains, il attrapera peut-être un rhume…
Et du même coup, l’ histoire de la touffe d’herbe, qui voulait prendre vie, se racornit et disparaît sans avoir eu le temps d’exister.
Si conte il y a, c’est celui, écologique, d’un talus couvert de végétation qui anime un peu l’extrémité du pauvre champ des Bordes. Ce talus, expliquent nos amis, est en fait une décharge sauvage d’entrepreneurs peu soucieux de payer des taxes à la déchetterie. Quelques années ont passé et les gravas sont recouverts d’herbe et de buissons. Puissance de la nature
Je suis revenue avec un appareil photo pour photographier ânes et petite mare, mais l’Asinerie Franciianes était fermée et il avait tant plu que les chemins qui font le tour de l’enclos étaient impraticables sans bottes. Je me contenterai de deux photos de broussailles en attendant le printemps.


La fin du mois de janvier n’est pas encore là et déjà apparaissent quelques feuilles au bout des branches de buissons. Nous reviendrons au printemps rendre visite aux fermières qui dirigent l’exploitation.
Belles photos de broussailles, celle en particulier aux arborescences vertes traversées d’eau bleue.
Il y a dans cet enchevêtrement de lignes colorées je ne sais quel charme un peu fantastique, prélude d’un conte, évocation magique d’une forêt en miniature, motif d’une peinture…
L’émerveillement devant la nature peut surgir de presque rien.
Comme l’écrit Flaubert » Pour qu’une chose devienne intéressante , il suffit de ,la regarder assez longtemps «
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Merci : c’est bien ce que j’essayais de raconter avec des mots pour l’étang gelé et avec des images pour la lumière venue raviver lichens ou mousse dans les broussailles. Tout à coup on est saisi par la beauté et plein de gratitude !
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Peut-être y a t-il des balades avec un âne portant le pique-nique ? ça se fait beaucoup. Tu nous mets l’eau à la bouche avec ces photos sans rien dessus ! On patauge d’impatience : A bientôt!
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Ce ne sont pas de vulgaires ânesses de promenade qu’il y a à Chennevières, mais de précieuses ânesses laitières. Je crains qu’il faille aller jusque dans les Cévennes sur les pas de Stevenson pour trouver les porteuses de pique-nique. J’ai rencontré toute une famille du côté de Conques (à les voir faire, j’ai compris que bâter un âne ne s’improvise pas et demande un peu de coopération de la part de l’animal !)
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