Giboulées de mars

Le mot décisif revient en boucle dans les informations (« le vote décisif du Brexit, l’acte décisif des gilets jaunes, la semaine décisive des manifestants algériens »  et bien sûr «  le coup de pied décisif du buteur »). Même si je compatis au malheur du monde, je me sens un peu éloignée des passions de ma jeunesse et j’ai l’impression de regarder de l’extérieur ce temps linéaire de l’évènement, tout en ressentant de plus en plus vivement le temps qui roule d’une saison à l’autre.

– Qu’est-ce que tu as fait depuis un mois ? – J’ai attendu le printemps.

Cette semaine, il fait clair à 18h 30. Le printemps arrive, le premier temps qui nous met le sourire aux lèvres. Dès que les giboulées s’arrêtent, les gens se précipitent aux terrasses des cafés. Aujourd’hui, ça discute ferme le réchauffement climatique. « – Tu te rends compte, il y avait des asperges chez les maraîchers… – Bah !  Des asperges de serre ! Oui, mais quand j’étais petite, les asperges étaient là pour Pâques, on a gagné un mois. – Gagné ou perdu selon comme tu le vois. – Tu ne trouves pas que c’est bien d’avoir chaud en mars ? – Et tu fais quoi de l’avenir ? Tu te rends compte, le Bordeaux, les Côtes du Rhône vont disparaître…– Nous ne serons plus là. Buvons un coup en attendant. De toute façon, c’est foutu, alors autant en profiter »… tout ça grommelé avec la lucidité cynique de ceux qui ont honte et qui savent pourtant que leur attitude consiste à dire à la génération suivante de se débrouiller toute seule. –

– Mais toi, que fais-tu contre le réchauffement ?

– Eh bien ! Je mange des légumes de saison !

Bon ! Le réchauffement est là. Pourtant, comme dans les livres, c’est encore mars, le mois que Fabre d’Eglantine appela ventôse  pour ses brusques bourrasques, ses alternances de beau temps et de pluie, ses ciels de catastrophe que la rougeur du soleil vient soudain éclairer.

Coucher de soleil. Rue du Bac
Coucher de soleil. Rue du Bac
Vers rue du Bac-Saint-Germain

A Fontainebleau, le 10 mars

En forêt, la même météo impétueuse. Le vent se lève, secoue les arbres. Puis tout s’arrête. La forêt redevient silencieuse. Pas d’oiseaux, sauf les corneilles.

Voici l’aire de sable blanc qu’on appelle, je ne sais pourquoi l’aire du cul du chien (il y a un rocher en forme de tête de chien, mais c’est une tête qu’on voit). De temps en temps, quelqu’un se dresse sur un rocher et se détache, noir contre la lumière crue.

Fontainebleau. Les sables du Cul du chien

Et les bouleaux sont de vrais capteurs de lumière mais ils sont encore nus, comme nues sont les branches de chêne à l’exception des vieilles feuilles d’automne

De nouveau, de froides averses remplissent le ciel.

Nous voici retournés en hiver pendant que nous rentrons par une allée forestière… de flaque en flaque.

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