Le zoo rénové de Paris est à portée de métro (Porte Dorée et Château de Vincennes) (lignes 46, 86, 325). Si je devais résumer mon avis sur un site touristique, je lui mettrais plein d’étoiles. La promenade est belle, les animaux n’ont pas l’air souffreteux, les points de vue permettent de les voir d’assez près, et le personnel est présent et compétent. Cependant, ce zoo urbain n’échappe pas aux contradictions des zoos du monde entier. Priver de liberté des animaux sauvages, tout en affirmant respecter leurs besoins, parler du besoin d’espace des animaux, tout en s’installant en ville pour offrir un spectacle attirant aux citadins…
Un parc
La surface disponible du zoo est limitée à 14 hectares (presque moitié moins que le jardin des Tuileries). C’est donc une illusion d’espace qu’on a créée. Une fois de plus, les jardiniers ont fait des miracles. On leur a demandé de découper le parc en cinq milieux naturels, savane africaine, forêt tropicale humide ou sèche de Madagascar, pampa, forêt de conifères. Grâce à eux, le visiteur est tout de suite loin de la ville dans une forêt sauvage miniature, devant une île où les ouistitis trouvent refuge en été, en face d’une cascade.

Il suffit d’une mare avec des roseaux et il est plongé dans la forêt humide, d’un peu de sable et de quelques buissons épineux à l’ombres des pins en guise d’acacias et il est dans les sables d’Afrique. Partout, les arbres ont poussé et on n’entend pas le bruit du périphérique. Comme aller au zoo est un loisir assez coûteux, ceux qui déboursent le prix d’une visite ne sont pas trop nombreux et on se promène tranquillement dans les allées de ce beau parc.
Le zoo qu’on appelait avant la rénovation zoo de Vincennes, c’est aussi le Grand Rocher de béton, haut de 65 mètres qu’on voit de loin. Il date de sa création en 1934 et bien sûr, il ne ressemble pas à un vrai rocher ! Il est trop lisse et sa couleur est uniforme. Mais on l’aime comme un vestige du temps jadis, comme un décor de film d’aventures bon marché délicieusement artificiel.

Les gros animaux et les petits
On va souvent au zoo pour voir les gros animaux d’Afrique. Les rhinocéros blancs sont là

et tout un troupeau de girafes, ou plutôt de femelles, car le mâle est tout seul en pénitence pour limiter les naissances.

Mais il n’y a ni éléphant, ni hippopotames, ni tigres, ni ours. Pour être à peu près heureux en captivité, un éléphant a besoin de 5 hectares. Même chose pour les ours. Les hippopotames sont grégaires, Le zoo est trop petit pour accueillir correctement ces animaux. Les enfants veulent voir l’éléphant et il n’y a pas d’éléphant… Ils veulent voir les lions et les lions dorment tranquillement dans les abris qu’on leur a aménagés. Les parents hésitent à débourser 65 euros par famille (2 adultes et 2 enfants) pour un zoo sans éléphant et sans ours, qui laisse les lions faire la sieste loin des visiteurs. Aussi le zoo a des problèmes d’argent !
Heureusement, un directeur de la communication avisé invente des évènements. Cet été, une campagne d’affichage du métro annonce qu’une petite colonie de suricates vient d’arriver. Ils sont plus menus que sur les affiches, guère plus gros que des lapins, mais c’est vrai qu’ils sont craquants, avec un petit museau, un pelage qui a l’air très doux et des yeux noirs maquillés.

« Il ne faut pas s’y fier » dit le soigneur qui leur apporte des vers. « Ils ne se laissent pas toucher, même par moi. Et d’ailleurs, le but n’est pas de les transformer en animaux de compagnie. Savez-vous que ce ne sont pas des gentils ! Ils n’hésitent pas à tuer pour préserver l’équilibre démographique du groupe ».
Merci au personnel, toujours prêt à donner des explications et qui nous a appris que nos jolis jouets en peluche appartiennent à une espèce plus implacable qu’une armée de commissaires du peuple chinois au temps de la politique de l’enfant unique, réservant le droit de se reproduire aux dominants. En conséquence, des femelles prévoyantes se débarrassent des petits de leurs rivales, quand ce n’est pas leur propre descendance.

La grande serre (4000m2) est un chef d’œuvre ! On serpente dans une forêt pleine de mystères qui évoque la Guyane et Madagascar La plupart des animaux sont en cage, mais quelques espèces ont été laissées en liberté et traversent l’espace par moments. Des gouttelettes roulent sur les feuilles qui brillent dans la pénombre. Et voici un petit oiseau rouge.

Dans les cages, il y a des merveilles, caïman, iguanes, serpents, lézards, minuscules grenouilles de toutes les couleurs et des lamantins qui ce jour-là étaient les vedettes.


De même, la grande volière pour évoquer le delta d’un fleuve africain ne donne pas la triste impression d’une cage. Flamants roses, avocettes, spatules blanches, calaos sont « en liberté », ou du moins ont assez d’espace pour batifoler. J’y ai enfin aperçu mon oiseau bleu ! Un rollier .

Un zoo est l’occasion de s’émerveiller de la variété des pelages, des coquilles… Ceux du zèbre et de la tortue (Astrochelyus radiata de Madagascar) rappellent l’op-art,


L’animal le plus étonnant pour moi est le tamanoir. S’il n’y avait un œil et une minuscule oreille, je ne le distinguerai pas la tête des pattes.

Mais devant certains singes, je reste perplexe. Les baboins de Guinée ont l’air de familles mues par les mêmes sentiments que moi qui les regarde, plus un air de mélancolie qui rend vaguement honteux.

Ne pouvant empêcher les captifs d’être tristes, le zoo prétend nous instruire… Mais combien de visiteurs ont lu les informations à leur disposition ?
Mais de quand datent les zoos en France ?
Jadis, on offrait parfois aux rois des animaux sauvages. En 799, le calife de Bagdad, Haroun al-Rashid, avait fait don à Charlemagne d’un éléphant blanc et l’émir de Kairouan d’un lion et d’un ours. Ces animaux suivaient l’empereur dans ses déplacements. Ainsi firent ensuite les rois capétiens. Philippe VI, le premier Roi de la dynastie des Valois, installa au Louvre les enclos qui abritaient ses lions et ses léopards, et les animaux suivaient dans des cages quand les rois itinérants cheminaient d’une demeure à l’autre. Charles V le Sage édifia un bestiarium à l’Hôtel Saint-Pol. On y trouvait des volières, une « maison pour lions », des bassins pour phoques et marsouins, un bassin pour les poissons. Louis XI l’entretint avec attention et ce roi si avare, dépensa beaucoup pour sa collection. Il possédait un léopard, avec lequel il partait à la chasse, un éléphant offert par le sultan d’Egypte et des élans et des rennes acquis à grand prix au Danemark. (https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00905429/file/exotiques-menageries-buquet-2013.pdf) Les animaux, signes de puissance, étaient montrés aux visiteurs et le peuple se pressait pour les apercevoir lors des déplacements royaux. Plus tard encore, Louis XIV construisit deux ménageries l’une à Versailles et l’autre à Vincennes où l’on organisait des combats à mort entre animaux sauvages (http://plume-dhistoire.fr/les-animaux-exotiques-des-rois-de-louis-xiv-a-napoleon-iii/) Entre temps le Muséum d’Histoire Naturel (héritier du Jardin des Plantes conçu au 17e siècle) fut créé et la Convention lui adjoignit en 1794 une ménagerie dans un but d’éducation populaire. Sous la Restauration, Charles X développa une collection impressionnante de reptiles et de batraciens.
L’animal qui reste dans les mémoires est cependant la première girafe, offerte en 1826 par le Pacha d’Egypte et qui, débarquée à Marseille, traversa toute la France pour rejoindre la ménagerie de Vincennes.

Dans ces ménageries, on ne se préoccupait pas de bien-être animal… Sans remonter à Descartes qui proposait, au moins à titre d’hypothèse, de considérer les animaux comme des machines, on voit bien que l’animal paraissait si radicalement différent qu’on pouvait lui infliger violence et souffrances pour réjouir des spectateurs.
Pourtant, cela ne va pas sans paradoxe, en ces temps lointains, les animaux vivaient généralement en liberté dans de vastes surfaces de la terre, chaque espèce dans son aire, sans que des trafiquants ne les traquent pour leur peau, leurs cornes, leur viande, et que les défricheurs ne détruisent leurs territoires pour cultiver ou pour bâtir des villes. Ils se mangeaient entre eux, mais cela restait à la marge, c’est pourquoi mpalas, guibs harnachés et koudous broutaient non loin des fauves au bord des grands lacs.
A notre époque moderne où nous désapprouvons la maltraitance, nous n’avons jamais autant détruit l’habitat des animaux qui se rétrécit comme peau de chagrin et les zoos sont devenus entre autres des conservatoires des espèces les plus menacées. A présent que nous projetons sur eux notre mélancolie et que les films animaliers nous instruisent davantage que la contemplation des enclos, nous sommes invités à venir au zoo pour nous sensibiliser à l’environnement ! C’est un paradoxe qu’on peut relativiser en pensant à tous les chiens qui attendent leur maître dans des chambres ou des enclos minuscules dont ils ne sortent pas.