Le sentier Denecourt 2 à Fontainebleau

On les avait attendus pendant qu’ils se perdaient, rebroussaient chemin, repartaient sans trouver la route forestière de la reine Amélie. A la fin cependant, ils étaient parvenus au parking où ils avaient retrouvé leurs amis affamés et stoïques qui patientaient. Le sentier Denecourt n°2, point de départ de leur promenade, est situé tout près de la gare d’Avon, inaugurée en 1849. Il rappelle le temps où la forêt est devenue accessible aux Parisiens pourvu qu’ils puissent payer le prix du trajet, équivalent à un jour de salaire d’ouvrier. Pour ces premiers touristes, peintres, écrivains, bourgeois… Denecourt avait inventé des balisages bleus, marques d’orientation permettant d’explorer la forêt sans se perdre, il avait même fait ajouter par les carriers quelques défilés romantiques de son goût. (voir https://passagedutemps.com/2020/05/18/le-chemin-des-25-bosses-a-partir-du-cimetiere-du-vaudoue-fontainebleau/)

Principales curiosités du début du chemin Denecourt

L’air avait quelque chose de blême et d’humide comme en attente de la lourde averse qui allait déverser un flot d’eau pendant une demi-heure et cesserait tout à coup. Cette brume rappelait la lumière des pays asiatiques avant la mousson.

Au début du chemin, un merle, le seul de la promenade, chantait de tout son cœur. Ses trilles sonores les avaient accompagnés longtemps. Après dans la forêt, vide d’oiseaux, n’avaient plus retenti que des cris de promeneurs.

L’éponge ou le chaos

Ils étaient très vite parvenus à la roche éponge, longtemps une des curiosités célèbres de la forêt. Le calcaire mêlé au grès, plus sensible à l’érosion s’était  dissout et avait laissé place à de petits cratères.

Rocher-éponge. Fragment

Les ignorants, moins férus d’énigmes géologiques peuvent préférer  les amoncellements de grès, fissurés, cassés en deux par l’érosion, entassés au bord des sentiers.

Plus loin, Denecourt avait fait aménager ou restaurer des fontaines en recueillant grâce à des caniveaux les filets d’eau glissant sur les bancs de grès imperméables. Les charmes de la fontaine Désirée (du nom de la femme du conservateur forestier de Bois d’Hyver), ont été décrits dans des vers désuets par le chef du bureau des forêts en 1852 : 

D’Henri quatre, charmants déserts,
Du Druide, antique demeure,
Chênes brisés, pins toujours verts,
Roche qui baille ou bien qui pleure !
Si, par votre aspect enchanteur,
Ma vue est encore attirée,
L’objet qui charme seul mon cœur,
C’est la Fontaine Désirée.

Le soir, voyageur égaré,
Elle t’offre un paisible ombrage ;
Dans le jour, au pâtre altéré,
Elle procure un doux breuvage.
Dans le pur cristal de son eau,
Plus d’une nymphe s’est mirée,
On grava son nom sur l’ormeau
De la Fontaine Désirée.

On ne se risquerait plus à boire l’eau d’une belle couleur d’orange pourrie qui a remplacé « le doux breuvage » chanté par le poète.

Vient ensuite la tour Denecourt bâtie en 1851 à la gloire de celui que Théophile Gautier avait baptisé le Sylvain. D’en haut, on peut voir la forêt sur 360° .

Un décor pour film médiéval

Sous un abri des jeunes gens tournaient  un film médiéval avec une princesse à longue chevelure et un guerrier à cotte de mailles, casque décoré de cornes de bovidé et… chaussures de marche à semelle de caoutchouc

La princesse
et le guerrier

La forêt où on s’égare

Après le carrefour de la butte à Geay, les marques bleues du sentier Denecourt n° 2 se mélangeaient avec les marques des sentiers transversaux, aussi croisait-on sans cesse des promeneurs perdus : une Allemande qui marchait d’un pas décidé sans parvenir à retrouver la tour Denecourt ; un couple qui courait, revenait sur ses pas, repartait ; une jeune femme qui baladait un dalmatien… Des passants se hélaient « Pouvez-vous me dire où je suis ? » et les réponses se révélaient fausses. Le petit groupe malgré la consultation de la carte et l’observation du ciel, partit dans la direction opposée au but de la promenade finit par renoncer et reprit le chemin de l’aller.

On ne pouvait que penser à Dante égaré dans un bois devenu symbolique, « la voie droite étant perdue ».

Petits trésors du chemin

Il suffit cependant d’être dans la bonne disposition d’esprit pour voir surgir des merveilles. Cet essaim d’abeilles installé au bord du chemin, brun gris, presque confondu avec les feuilles mortes. D’où viennent ces abeilles sauvages ? Est-ce qu’elles vivent dans le creux des chemins ? Est-ce qu’elles se sont égarées comme nous ?

Les Abeilles

Un buisson de genêts au tournant, papillons de lumière éclairant le chemin, insouciants de répandre tant de parfum et de beauté au milieu de la masse plus terne des buissons.

Les noms ont un extraordinaire pouvoir sur notre esprit. S’il n’y en a pas, les fleurs ne procurent guère qu’une impression globale de couleur, de parfum et de lumière. Le nom donne l’impression d’attraper quelque chose de la nature. C’est pourquoi, elle distribuait (au hasard de vagues souvenirs) des noms qui équivalaient à dire « j’ai déjà rencontré cette fleur. Je la connais » tandis que son compagnon cherchait dans les applications google et était satisfait lorsqu’il avait bien distingué la moutarde et la grande chélidoine.

La dernière auberge

Et le soir, une auberge accueille les marcheurs du dimanche et leur évite les embouteillages du retour. La dernière auberge de la forêt, La Croix d’Augas.

Quelques références

Charles Colinet, « Fontaines de la forêt (suite) : Fontaine Désirée », L’Abeille de Fontainebleau, no 21 de la 62e année,‎ 22 mai 1896, p. 2/6 (lire en ligne [archiveAccès libre,

L’Abeille de Fontainebleau : journal administratif, judiciaire, industriel et littéraire | 1896-05-22 | Gallica (bnf.fr)

https://fontainebleaupassion.blogspot.com/2015/01/les-fontaines-de-la-foret-de.html

https://www.hunza.pro/2022/06/randonnee-en-foret-de-fontainebleau-en-passant-par-la-croix-du-calvaire-le-rocher-cassepot-et-la-tour-denecourt.html

Albert Kahn, le banquier philanthrope, en son jardin

Impossible d’aller au jardin Albert Kahn sans s’intéresser à l’identité de son concepteur. On ramasse des renseignements sur internet. On invente un peu.  Un homme réapparait. Sur l’unique photo qu’on trouve de lui, il est presque chauve, trapu. Il cligne des yeux en nous regardant.

Abraham Kahn naquit le 3 mars 1860 à Marmoutier, dans le Bas-Rhin. Son père exerçait le métier de marchand de bestiaux comme faisaient beaucoup de juifs dans l’Est. Sa mère décéda alors qu’il n’avait que dix ans. Après la défaite de 1870, l’Alsace-Moselle fut annexée par l’Allemagne Afin d’éviter de prendre la nationalité allemande, la famille déménagea dans la Meuse. A 16 ans, Abraham Kahn partit pour Paris ; il changea son prénom pour celui d’Albert.

Les actions philanthropiques d’un des hommes les plus riches de France

Il prit d’abord un petit emploi dans un magasin de confection de vêtements, puis entra comme commis à la banque de lointains cousins doués pour les affaires, les frères Charles et Edmond Goudchaux. Grâce à sa perspicacité et à son énergie il accéda rapidement au poste de fondé de pouvoir. L’occasion, le hasard, l’audace qui pousse à profiter des occasions, le servirent. En 1893, il devint riche en spéculant sur les mines d’or et de diamants d’Afrique du Sud. Parallèlement, il plaça de l’argent dans des projets industriels et des emprunts japonais et sud-américains. En 1892, il s’associa aux Goudchaux, puis monta sa propre banque en 1898. Il avait 38 ans.

La nécessité de gagner sa vie l’avait privé d’études. Cette blessure le poussa à chercher un répétiteur qui puisse l’aider : il devint en 1879 le premier élève d’Henri Bergson, fraîche­ment entré à l’École normale supérieure, passa le baccalauréat de lettres, puis de sciences, obtint une licence de droit. Les deux jeunes gens se lièrent d’amitié. Plus tard, Albert Kahn s’honorera aussi de compter Rabindranath Tagore parmi ses proches. Leur humanisme rejoignait et éclairait le sien.

Il trouva ce qui pouvait donner un sens à sa vie en encourageant un réseau d’élites éclairées à œuvrer pour le rapprochement des peuples. Dès l’année 1898 où il fonda sa banque, ce furent les « Bourses de Voyages Autour du Monde », données à l’Université de Paris pour permettre à de jeunes agrégés de réaliser un voyage de quinze mois dans un pays étranger… « Ne vous noyez pas dans les livres, disait-il. Prenez un paquet de cigarettes et partez… ». En retour, on demandait aux boursiers un rapport sur leur expérience :

aussi n’ai-je pas eu pour objet de rendre service à ces jeunes gens personnellement (…) je voudrais plutôt qu’ils se sentent investis d’une mission patriotique et humanitaire (Les boursiers de l’Université de Paris, p. ll, 1904).

L’ancêtre des bourses Erasmus en quelque sorte, mais un système précurseur élitiste de luxe, car les boursiers désignés touchaient chaque mois l’équivalent du salaire d’un professeur en fin de carrière ! A partir de 1905, Albert Kahn ouvrit ces bourses aux femmes agrégées à condition qu’elles voyagent à deux dans des pays limités à l’Europe et aux États-Unis. Sur cette lancée, il créa la Société Autour du Monde en 1906, afin de favoriser les échanges entre les anciens boursiers et l’élite internationale. Evoluant peu à peu du nationalisme des débuts à une vision soucieuse de défendre l’unicité et la diversité de l’expérience humaine, il ouvrit les bourses Kahn aux Japonais (1907), puis aux Allemands (1908), aux Britanniques (1910), aux Américains (1911) et aux Russes (1913). Ils seront 76 boursiers étrangers à bénéficier de ce dispositif. En 1916, il fonde le Comité national d’études sociales et politiques, où des intellectuels sont chargés d’éclairer les autorités par des travaux d’analyse, puis un premier centre de documentation sociale à l’Ecole Normale Supérieure en 1920. En 1918, il publie un recueil d’aphorismes en faveur de la prévention des conflits, intitulé Des droits et devoirs des gouvernements…

Par ailleurs, il se préoccupe d’assistance aux populations civiles victimes de la guerre avec la création du Comité du secours national  (1914) qui servira des millions de repas.

En 1908-1909, Albert Kahn, son chargé d’affaires Maurice Lévy et son jeune chauffeur Albert Dutertre (à qui il avait fait donner des cours de photographie), avaient embarqué à bord du paquebot Amerika pour un tour du monde qui allait durer un an et demi. Albert Kahn se passionne pour les images… À son retour il lance à partir de 1909 un projet d’inventaire visuel du monde, les Archives de la planète.

Une douzaine d’opérateurs, envoyés dans plus d’une cinquantaine de pays en ramènent 72 000  plaques autochromes qui permettent la photographie couleur, 180 000 mètres de pellicules cinéma et 6 000 plaques stéréoscopiques noir et blanc. 

Voici une photo prise par Stéphane Passet, un des opérateurs aventuriers recrutés par Albert Kahn. Le musée a eu la bonne idée de mettre toute la collection à disposition du public (https://albert-kahn.hauts-de-seine.fr/les-collections/presentation/photographies-et-films/les-archives-de-la-planete)

Stéphane Passet. Thessalonique, Camp de réfugiés de Strumica (1913) Musée Albert Kahn (A 3844)

Il y a une contradiction angoissante entre le métier d’Albert Kahn et ses choix de mécène. Sa fortune vient des rapports sociaux d’exploitation qu’il a aidé à se développer à l’échelle mondiale ; les archives documentent le monde au moment où ce même capitalisme le voue à la disparition.

Et ses croyances en une conversion du monde à la paix et à la coopération paraissaient naïves alors que le 20e siècle s’enfonçait dans des crises de plus en plus violentes, mais n’avait-il pas raison de protester par avance :

Les générations futures se demanderont avec stupéfaction comment une catastrophe comme celle d’aujourd’hui a pu se produire, englobant toutes les nations. Comment une grande portion de la richesse de la Terre a pu être anéantie….

Les Jardins du monde

Dans le temps de sa vie où il pouvait tout acheter, Albert Kahn avait rêvé d’un jardin représentant les paysages du monde. Il avait acquis peu à peu quelques hectares à Boulogne. Les travaux commencèrent en 1895 sous la direction de Louis Picart.

Né en Alsace, Albert Kahn voulut recréer une forêt lorraine d’épicéas et de sapins et la parsema de blocs de granit rapportés par train ; il eut aussi son bois alsacien, des pins au milieu de blocs de grès (forêt vosgienne).  

Il fit installer une forêt bleue avec son marais, ses cèdres de l’atlas et ses épicéas du Colorado.

Il lui fallut son jardin anglais qui s’achevait en prairie (la prairie qui en était parsemée nous a obligés à chercher sur internet le nom de la fritillaire pintade. Un chef jardinier ne suffisait pas. Il confia à Henri et Achille Duchêne le soin d’ajouter un jardin français qu’il disposa en face d’une serre spectaculaire qui est aujourd’hui, en trop mauvais état pour abriter des collections

Fritillaire pintade, 480px-Fritillaria_meleagris_LJ_barje2.Flora Incognita

Le jardin à la française devant la serre

Le souhait de Kahn de n’avoir des fleurs que d’une seule couleur autour du carré vert de la pelouse est toujours respecté. En 2023, les quatre parterres sont orange.

Précédé par une roseraie qui fleurira plus tard, le verger se réveille doucement ; même si je préfère des pommiers et des poiriers plus exubérants, j’admets que la taille géométrique est remarquable.

Après le jardin français, le jardin japonais offre les charmes de l’asymétrie. De l’évocation voulue par Albert Kahn, il reste seulement quelques vestiges dont un pavillon de thé (où sont organisées des cérémonies du thé) et des ponts de bois. Le jardin a été recomposé en 1990 par le japonais Fumiaki Takano qui a voulu symboliser la vie d’Albert Kahn : sa naissance est évoquée par un cône de galets. Son enfance difficile représentée par un cours d’eau tumultueux. Sa période de réussite représentée par un large étang principal où des carpes se prélassent.

Le royaume des carpes au pied d’une butte couverte de rhododendrons et d’azalées

Des blocs de schiste rose en vrac sont une allégorie du krach de 1929 qui brisa la fortune de Kahn et sa mort est représentée par une spirale dans laquelle l’eau s’engouffre. Le long du pont rouge de Nikko, des murailles faites de cailloux empilés figurent les Archives de la planète.

Nous visitons le parc un jour où le ciel est blanc comme c’est souvent le cas en Asie. Ce ciel, ces feuilles qui luisent doucement parce qu’il a plu la veille vont particulièrement bien au jardin japonais. L’averse a défleuri les camélias et répandu leurs pétales sur le sol et cela fait, je crois, partie de la beauté du jardin.

La fin d’Albert Kahn et la naissance du musée

Le Département de la Seine a acquis en 1936 la proprié­té et les collections d’images d’Albert Kahn. Le domaine et les collections photographiques sont ensuite passés au département des Hauts-de-Seine. Dans les années 1980, un musée est créé afin d’étudier et de conserver les collections.

En 1936, bien que ruiné, Albert Kahn avait été autorisé à demeurer dans sa grande maison du fond du jardin,  quasiment vidée par les huissiers.

Était-il effondré de voir une deuxième guerre atroce se profiler, alors qu’il avait tant lutté pour la paix ? Était-il angoissé pour lui-même ou se croyait-il protégé par la générosité dont il avait fait preuve toute sa vie ? Il venait de se faire recenser comme Juif, obéissant au décret d’octobre 1940. Du moins, il mourut libre le 14 novembre 1940. J’aime à l’imaginer un peu consolé par le jardin qui défait arbres et plantes en automne pour mieux préparer la renaissance du printemps. Peut-être était-il trop diminué pour réaliser le sort qui l’attendait. A sa mort, redevenu un Juif pour le gouvernement de Vichy, il fut jeté à la fosse commune.

Quelques textes et documents

Les boursiers de l’Université de Paris, 1904, Autour du monde par les boursiers de l’Académie de Paris, Evreux, Charles Herissey,  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k370162d/f140.item

Clet-Bonnet,  Nathalie , 1995, « Les bourses Autour du Monde. La fondation française (1898-1930) », dans Jeanne Beausoleil et Pascal Ory (dir.), Albert Kahn (1860-1940). Réalités d’une utopie, Boulogne, Musée Albert-Kahn, 1995, p. 137-152.

Tronchet Guillaume, Les bourses de voyage ”Autour du Monde” de la Fondation Albert Kahn (1898-1930) : les débuts de l’internationalisation universitaire » dans  Christophe Charle, Laurent Jeanpierre. La vie intellectuelle en France Des lendemains de la Révolution à 1914, Seuil, pp.618-620, 2016, 9782021332742. ffhalshs-01366522f

https://albert-kahn.hauts-de-seine.fr/les-collections/presentation/photographies-et-films/les-archives-de-la-planete

La fantastique cité des Espaces d’Abraxas

L’architecte catalan, Ricardo Bofill, pensait que le peuple avait droit à la beauté. Il voulait construire des demeures qui tournaient le dos aux mornes façades des HLM de l’après-guerre pour se parer de colonnades et de frontons empruntés aux temples grecs.  C’est ce programme qu’il a pu finaliser en 1983 à Noisy-le-Grand dans une cité baptisée Les Espaces d’Abraxas.

Le Trésor de la langue française explique le nom en se référant à Renan 

Le bien est le dieu suprême [selon Basilide] (…). Son nom est Abraxas. Cet être éternel se développe en sept perfections (…). Les sept perfections ont produit les ordres d’anges inférieurs (…) au nombre de trois cent soixante-cinq. Ce nombre est celui que donnent les lettres du mot abraxas, additionnées suivant leur valeur numérique. (…) les basilidiens (…) adoptèrent les vertus magiques du mot abraxas. E. RENAN, Église chrétienne, 1879, pp. 160-163.

Un abraxas est donc un dieu. C’est aussi une amulette…. Et bien sûr, on ne peut s’empêcher de penser à abracadabra (parenté soutenue par le dictionnaire Robert historique). Abracadabra donc, nous irons à Noisy-le-Grand.

Difficile de se garer une fois arrivés  aux Espaces d’Abraxas. Le parking du centre commercial qui jouxte les bâtiments construits par Bofill est fermé le dimanche. Lorsqu’une place est libre le long d’un trottoir, il faut payer en chargeant une application sur son téléphone. Si l’opération rate, on n’a aucune solution. Après des détours, nous longeons l’arrière d’un bâtiment. L’arrivée est peu engageante, la rue étroite est mal entretenue et les habitants ont vue sur le parking !

Les fenêtres paraissent bien étroites à côté des pilastres démesurés. Même ce jour où le ciel rayonne, la façade de béton est sombre, (un peu égayée quand même par des touches d’ocre clair et de bleu.) « Est-ce que les rayons du soleil arrivent à éclairer cette rue, a dit E.? »

Des habitants, lassés d’être visités par des nostalgiques du film Brazil qui a été tourné dans les Espaces, préviennent les visiteurs qu’ils feraient mieux de repartir. De fait, on doit se lasser d’être pris en photo. A moins que le message vienne de dealers qui n’ont pas envie d’être dérangés dans leur commerce : le quartier a mauvaise réputation. Cependant tout était tranquille l’après-midi de notre visite et les passants nous souriaient.

Nous prenons un passage, bien qu’il ait l’air de ne mener nulle part. Coincé entre les murs gigantesques, un petit temple stupéfie. Les plus critiques sont effarés. « Pourquoi ce temple qui n’a aucune affectation ? Une citation gréco-romaine gratuite ? »

Espaces d’Abraxas. Un temple
Temple. A l’arrière la masse énorme du Palacio

Après cet immeuble-enceinte, on pénètre dans la partie qui s’appelle « Le Théâtre », Le lieu est hors normes, colossal. Il y a ceux qui détestent, trouvent le gigantisme de l’endroit effrayant.  « C’est funèbre. On ne peut pas vivre dans cette monstruosité oppressante ! ». Et il y a ceux dont je fais partie qui sont fascinés par sa puissance. « Beau, laid n’a pas de sens, ici »

Les Espaces d’Abraxas. Le Théâtre semi-circulaire

E. insiste : « Je n’aime pas les bâtiments qui sont là pour qu’un architecte orgueilleux puisse laisser sa signature. On vit sûrement mieux dans des bâtiments plus humbles, des HLM ensoleillés, sans vis-à-vis.

Espaces d’Abraxas. Bow-windows en verre miroitant dans la lumière

De fait, si les emprunts aux formes classiques, (portique, colonnes, péristyle, qui viennent pourtant d’une architecture à échelle humaine) font une impression inquiétante c’est parce qu’ils sont réinterprétés dans des proportions gigantesques. Ce sont des bâtiments qui appartiennent à un autre monde… « Je n’y vois que des réminiscences d’architecture totalitaire, dit E. Si je devais  vivre là, j’aurais l’impression d’être une créature impuissante dans un monde despotique. »

Moi, je pense que Bofill, puis les cinéastes et les auteurs de série ont nourri le besoin de fiction des habitants en offrant à la cité des matrices de récits, et qu’un ado qui traverse la place pour aller au collège peut se représenter en chevalier chevauchant un dragon pour aller combattre le mal. Il voit le monde futur, pas le passé…

Mais est-ce tellement inhumain ? Nous avons croisé deux personnes de l’immeuble Théâtre qui partaient en vacances et qui adorent Abraxas où elles vivent depuis 22 ans. Leur appartement est spacieux. Comme il est traversant, il est très clair. Ils se sentent bien. L’univers fermé les protège.  Les enfants aussi sans doute qui font du patin dans l’hémicycle et n’ont pas besoin d’être surveillés.

Forêt de Fontainebleau. Vers le rocher de Bouligny

Il y a le train-train de la semaine qui aide à supporter les images de guerre, la montée du désintérêt pour le vote, les sondages électoraux. Nous allumons l’ordinateur. Je travaille un peu.

Mais la parenthèse du dimanche  est l’occasion de quitter Paris, d’éteindre les écrans, d’échapper à la brutalité des nouvelles.

Je mets les grosses chaussures, je ramasse le bâton de marche qui désormais assure mon pas dans les descentes ; je remplis le sac à dos avec l’opinel qui jamais ne quitte la poche droite, une salade de riz, des clémentines, la tablette de chocolat que je partagerai avec les copains. Cette fois, c’est du côté de Bouligny et du rocher d’Avon, près de Fontainebleau, mais ça pourrait être n’importe où dans la forêt. Après les tourbillons de neige de vendredi, le soleil revenu a séché l’herbe en un jour.

forêt de Fontainebleau. Secteur de Bouligny et d’Avon

Chaque printemps, nous nous émerveillons de la poussée de la vie qui met du vert aux branches.

Pour quelques heures, les apparences nous suffisent : les carriers qui travaillaient dans la forêt n’avaient sans doute pas le temps de la regarder. Nous qui n’avons rien d’autre à faire, nous transformons tout en images : les jeux de l’ombre avec les boules de grès…

les jeux de l’eau avec des touffes d’herbes comme dans un tableau japonais

Mare de Bouligny

Tout est à la fois pareil et particulier dès qu’on s’arrête.

Le plus beau, c’est de voir la lumière réveiller les couleurs en commençant par le jaune.

Dans cette forêt, si quadrillée, chaque rocher biscornu a un nom et c’est vrai que  des mufles, des carapaces, des gueules se rencontrent partout. Voici une tête aplatie de crocodile avec ses mâchoires puissantes qui avancent :

Le crocodile. Rocher de Bouligny

… deux têtes géantes :

Même une branche noircie fichée dans le sol devient facilement un lézard voyageur en route pour son heure de marche nordique.

Le lézard marcheur

Nous étions préhistoriques, nous voici pré-romantiques devant le médaillon qui orne un abri naturel, le manoir d’Oberman. C’est à raison qu’on célèbre le personnage créé par Senancour car il est un des premiers à avoir célébré Fontainebleau :

J’aime ici l’étendue de la forêt, la majesté des bois dans quelques parties, la solitude des petites vallées, la liberté des landes sablonneuses (Oberman par de Senancour, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56959455.texteImage#)

Le manoir d’Obermann

Et justement, il se promène du côté du Mont Chauvet… Perpétuellement seul, et déplorant le vide de son existence :
Fontainebleau , 14 août, II.. Je vais dans les bois avant que le soleil éclaire; je le vois se lever par un beau jour ; je marche dans la fougère encore humide, dans les ronces parmi les biches, sous les bouleaux du mont Chauvet : un sentiment de ce bonheur qui était possible m’agite avec force, me pousse et m’oppresse. Je monte, je descends, je vais comme un homme qui veut jouir; puis un soupir, quelque humeur, et tout un jour misérable. (LETTRE XVII.)

Le vent a cessé. Dans le petit vallon l’air est tiède. Les tas de feuilles mortes ne sont pas encore recouvertes par les fougères. Les marcheurs ralentissent. C’est l’heure des histoires. Ivan évoque son frère, le plus doué des fils de la famille, capable de tenir tout le monde en haleine, sous le charme de récits qui se prolongeaient tard dans la nuit. Un voyage déglingué devenait l’aventure fabuleuse qu’on aurait aimé vivre. Mais c’était une sorte d’Oberman aussi désespéré que le premier ; Un 31 décembre, il était entré dans un étang glacé dont il ne voulait plus sortir. Le bistrotier désemparé avait appelé Ivan. Une fois le frère sorti de l’eau et réchauffé, il a fait signe qu’il voulait un papier : « Je ne parlerai plus ! » Bien sûr, il n’a pas tardé à reprendre le fil de son discours.

Et le soir, le groupe dîne ensemble, chacun apportant quiche, gratin, fromages ou mousse au chocolat. On parlera de nourriture et pas seulement des catastrophes du monde.

Senancour (de) Obermann, 1804, nvlle éd 1852,  préfacée par George Sand, Paris, Charpentier

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A Thomery : le château de Rosa Bonheur (1822-1899)

12, rue Rosa-Bonheur, Thomery 77. Du mar. au dim. 11h-17h (visite guidée obligatoire un peu chère, mais très bien faite 15 euros… le prix sert à restaurer et à entretenir ce domaine privé qui est aussi aidé par la Mission du patrimoine). Le château est aussi une maison d’hôte.

Une peintre animalière du 19e siècle

De Rosa Bonheur, on peut admirer une toile puissante au musée d’Orsay, le Labourage Nivernais, qui lui vaut une médaille d’or en 1849. Elle a moins de 30 ans, devient riche et célèbre d’un coup et le restera toute sa vie. Elle reçoit la Légion d’honneur en 1865, devient officier en 1894.

Une vie éclatante et puis l’oubli à la fois parce qu’elle était une femme, et plus encore parce que la peinture animalière était tombée en désuétude et que d’ailleurs son art réaliste tourne le dos à la modernité. D’après Ambroise Vollard, Paul Cézanne la tient en piètre estime. « Il me demanda ce que les amateurs pensaient de Rosa Bonheur. Je lui dis qu’on s’accordait généralement à trouver le Labourage nivernais très fort. “Oui, repartit Cézanne, c’est horriblement ressemblant” (Wikipédia, article Rosa Bonheur note 60). »

Rosa Bonheur. Le Labourage nivernais célèbre la puissance de l’animal (Musée d’Orsay)

Elle devient aujourd’hui une icône féministe. Le mouvement LGBTQIA + admire qu’elle ait su déjouer tranquillement les préjugés qui voulaient que les femmes se cantonnent aux portraits et aux fleurs faute d’avoir la « force » de peindre de grands formats. Ainsi, comme Le Labourage d’Orsay, Le Marché aux chevaux, acquis par le Metropolitan de New York, est une toile de 5 mètres de long qui donne une bonne idée de sa force et de son ambition (et qui parle à notre époque : elle célèbre l’animal dans sa puissance alors que la monumentalité était réservée jusqu’alors aux sociétés humaines).

Rosa Bonheur. Le Marché aux chevaux. Metropolitan.
>http://www.metmuseum.org/works_of_art/collection_database/european_paintings/the_horse_fair_rosa_bonheur/objectview.aspx?collID=11&OID=110000135

On admire aussi la femme émancipée qui ne s’est pas mariée afin de rester indépendante. Rosa Bonheur a refusé les codes qui régissaient l’apparence physique des femmes, portant les cheveux courts, s’habillant en pantalon pour visiter les foires ou monter à cheval (il lui faut renouveler tous les six mois une autorisation de « travestissement »). Elle a partagé sa vie avec deux femmes, Nathalie Micas jusqu’au décès de celle-ci, en 1889, puis Anna Klumpke sa consolatrice aidante et aimante, à partir de 1898. La nature des rapports entre Rosa Bonheur et ses amies reste ambiguë, Rosa Bonheur proclamant sa répugnance pour les relations physiques, mais elle fait d’Anna, son héritière et sa légataire universelle. Lesbianisme ? Sororité ? La différence importe peu.

Le château de By

Vers 1860, Rosa Bonheur acquiert le château de By dans la commune de Thomery. Elle fait construire un atelier, un salon, et une salle d’études au-dessus des communs. Cette élévation est réalisée par l’architecte de l’usine Meunier à Noisiel, dans un style néo-gothique normand qui mêle la brique, la pierre et le bois.

Elle chasse l’architecte qui n’a pas su construire une verrière propre à assurer une lumière zénithale constante, mais conserve le bâtiment qui a fière allure avec sa tourelle pointue, sa tour d’angle, ses fenêtres décorées de colonnes.

Dans le parc de quatre hectares attenant au château, elle nourrit de nombreux animaux et oiseaux moutons, sanglier, cerfs, ara et aigle et même deux lions qui ont été élevés au biberon. Fathma la lionne qui vit en semi-liberté s’abandonne parfois comme un chaton à ses caresses.

A la mort de ses compagnons, elle les fait naturaliser et les installe dans l’atelier. « C’est l’atelier d’autrefois, dit la guide. On n’a rien changé, pas même la couleur des murs. On a même laissé (ou plutôt retrouvé au grenier et remis en place) les traces du peintre, sa palette, son cendrier, sa paire de lunettes, son parapluie. »

Atelier de Rosa Bonheur avec le portrait réalisé par Anne Klumpke

Dans cette vaste pièce, sont entassés des meubles, le piano où jouait Annette Micas, des commodes et des guéridons. Partout, des animaux vous regardent de leurs gros yeux de verre. Sur les murs, des têtes de chevaux, l’ara empaillé, des cornes de mouflons, des trophées de cerfs… Par terre, un crocodile, la peau tannée de la lionne Fathma avec sa tête naturalisée… L’ensemble fait davantage penser à un rendez-vous de chasse ou à un musée des arts taxidermiques qu’à l’atelier d’un peintre. On est mal à l’aise avant de comprendre que l’animal mort, évidé et naturalisé n’est pas exhibé comme un « autre », mais conservé comme un proche avec qui les liens ne peuvent être rompus.

La teinte sombre des meubles et de la peinture accentuent la pénombre due au mauvais temps et au soir qui tombe.

Posée sur un meuble, la tête d’un sanglier
Bureau de Rosa Bonheur. Au fond, le piano de Nathalie Micas

C’est peut-être ce que nous, les touristes, nous cherchons. Un château du Bois Dormant où il suffit de rouvrir la porte pour effacer les années.

Après le décès de Rosa Bonheur en 1899, Anna Klumpke a dû organiser une vente des toiles pour solder le différend avec les membres de la famille qui voulaient attaquer l’héritage. C’est pourquoi on ne voit guère dans l’atelier-galerie actuel que de toutes petites toiles pastorales (avec des silhouettes humaines à peine esquissées), des gravures (dont certaines de grande qualité) et l’esquisse d’une de ces toiles grand-format qui ont fait à raison sa réputation.

Rosa Bonheur. Château de By

Les reflets empêchent de photographier un âne touchant, mais le regard pénétrant du lion a la même qualité. Le lion échange un regard avec le spectateur en partenaire et non comme un animal donné à voir.

Ce lion me fait irrésistiblement penser à un de mes tableaux préférés de Géricault exposé dans l’aile Sully du Louvre. Le peintre a représenté un cheval légèrement de biais, avec un regard triste et profond.

Géricault. Tête de cheval. Musée du Louvre

Je crois me souvenir que c’est avec Géricault que les animaux sont entrés de plein droit dans l’histoire de la peinture. L’angoisse frémissante du cheval blanc me frappe davantage que la placidité sérieuse du lion (C’est peut-être une affaire de technique. Géricault procède par touches larges et s’émancipe du dessin alors que Rosa Bonheur trace chaque détail) mais la dignité qu’elle attribue à ses modèles va au-delà du simple réalisme.

L’accueillant salon de thé

Nos anoraks et nos sacs à dos détonnent dans le joli salon de thé ouvert par les propriétaires actuels. Ceux d’entre nous qui ont de la boue sur leur pantalon à cause d’une chute éprouvent un peu de honte devant les petites tasses de porcelaine fines sur les nappes. Mais la gêne passe vite avec l’odeur du chocolat.

Château de By. Le salon de thé

Il y aura à l’automne, une grande exposition Rosa Bonheur à Orsay pour le bicentenaire de sa naissance, occasion de réévaluer son apport à l’histoire de l’art et notre rapport à ce style qui a tourné le dos au renouvellement des formes de la peinture moderne. En tout cas, traiter Rosa Bonheur de peintre académique ne dit rien de son secret, la poursuite d’un rêve d’animalité harmonieuse conjuguant force et élégance qui apparente lion, bœufs, chevaux, moutons. Ce ne sont pas simplement des animaux « fidèlement » représentés. Ce sont bien des Rosa Bonheur.

Borin, Marie Rosa Bonheur, 2011, Une artiste à l’aube du féminisme, Pygmalion.

Dossier Rosa Bonheur sur le site du conseil général de Seine et Marne

Testament de Rosa Bonheurhttps://fr.wikisource.org/wiki/Testament_de_Rosa_Bonheur

https://archive.wikiwix.com/cache/?url=https%3A%2F%2Fbooks.google.fr%2Fbooks%3Fid%3DXs_xpV8HRqcC

Klumpke, Anna, 1909, Rosa Bonheur, sa vie, son œuvre, Paris, Flammarion.

https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=File:Klumpke_-_Rosa_Bonheur_sa_vie,_son_%C5%93uvre,_1909.

https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/labourage-nivernais-68

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rosa_Bonheur

La Carte du Tendre à Fontainebleau

Seulement une petite promenade de 5 kilomètres dans la forêt détrempée par une semaine de pluie.

Près de Fontainebleau, la cour du roi Louis Philippe (1830-1848) s’est amusée à nommer les sentiers qui tournent autour du rocher des Demoiselles. Ce rocher s’appelait plus vulgairement rocher des Putains depuis le règne de Louis XV, où on avait exilé hors du parc du château les prostituées qui y exerçaient leur métier. Désormais, les hommes se rendaient en lisière de la forêt. Que pouvaient  faire les dames de la cour, sinon sourire et tirer profit de leurs lectures de la Clélie de Mademoiselle de Scudéry ? On se promène aujourd’hui dans cette « Carte du Tendre »…

Clélie, Histoire Romaine par Madeleine de Scudéry. La carte du tendre (BNF)

… où les roches escarpées se nomment rocher des Dryades ;

Emile-René Ménard (1862-1930). « Les Dryades ». Huile sur toile. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.

… les carrefours, carrefour des Soupirs, carrefour des Embrassades, carrefour des Demoiselles, carrefour du Bonheur ; les routes, route des Filles, route de Vénus, route de la Tendresse, route de la Joie, mais aussi route des Pleurs et des Regrets… et ce parcours commence au parking du Vert Galant qu’il faut imaginer avec les calèches des messieurs, comme on voit aujourd’hui les automobiles qui stationnent sur les routes du bois de Vincennes.

A part, ses jolis noms, le chemin offre comme partout des points de vue, des rochers bizarres qui évoquent des mufles d’animaux, des défilés étroits qui mesurent notre tour de taille.

Aujourd’hui les averses tambourinent sur les anoraks et les lèvres commencent à gercer.

Forêt de Fontainebleau. Un jour pluvieux

Quand la pluie cesse, elle est encore là dans  l’odeur de terre mouillée éventrée par les sangliers, dans la  mare sombre, dans la mousse gorgée d’eau, sur les racines glissantes

La mare des Salamandres

Il n’y a que les fougères et les chênes qui gardent leur couleur d’automne. Je ne sais pas pourquoi ils conservent leurs feuilles, mais le résultat est là : leurs teintes chocolat coïncident avec notre besoin de boisson chaude.

Le Chêne. Feuilles sèches et vert acide de la mousse

Et justement, la promenade s’achève et, à 10 kilomètres, le château-musée de Rosa Bonheur offre un salon de thé ouvert comme une promesse de bien-être et de chaleur.

https://www.visorando.com/randonnee-la-carte-du-tendre-en-foret-de-fontaineb/

Blaise, Olivier, http://www.fontainebleau-photo.fr/2011/10/une-carte-du-tendre-au-rocher-des.html

Clélie, histoire romaine… par Mr de Scudéry,…. Volume 1https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8707367p/f424.image

https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/petit-palais/oeuvres/les-dryades

Dans les archives de pierres de la forêt. Les carriers de grès de Fontainebleau

A Fontainebleau, les promeneurs romantiques rêvaient à des cataclysmes antédiluviens en voyant les blocs de rochers tourmentés qui parsèment la forêt. Patrick Dubreucq qui sait tout ce qu’on peut savoir sur l’histoire des tailleurs de pierre de la forêt oblige à abandonner ces rêvasseries et à voir Fontainebleau comme une création humaine. D’ailleurs, il n’est pas moins captivant d’apprendre que le paysage du Long Boyau n’a pas 200 ans et qu’il résulte du travail des carriers qui venaient tailler le grès dans les solitudes pierreuses de la forêt. Les arbres aussi sont récents, qu’a fait planter et greffer Jean Charles de Larminat, conservateur des Eaux et Forêts entre 1815 et 1830, recouvrant peu à peu les landes de feuillus, mais aussi de pins qui demandent peu d’eau (l’eau est rare à Fontainebleau) : pins sylvestres, pins maritimes, mais aussi pins noirs lariccio venus de Corse sur la route Ronde ou cèdres du Liban à la Gorge du Houx.

De l’industrie intense des carriers, il reste beaucoup de traces qu’il faut apprendre à voir.

Patrick Dubreucq

Le grès de Fontainebleau est exploité avec certitude au moins depuis le 15e siècle pour paver Paris (certains estiment qu’on peut remonter à l’édit de Philippe Auguste demandant qu’on pave les rues de la capitale). Dans les années 1820 c’est près de trois millions de pavés qui sont extraits chaque année de la forêt. . La forêt de Fontainebleau faisant partie du domaine royal, il fallait acquitter des droits pour ouvrir des ateliers. L’exploitation avait commencé près de la Seine, parce qu’il fallait bien transporter les pavés et ce n’était pas le moins pénible du travail. Quelques femmes y ont participé en transportant les pavés sur leurs dos jusqu’à l’aire de chargement. Quand les chemins « de vidange » étaient suffisamment larges, des chevaux les emportaient de là jusqu’aux quais de Valvins ou de Bois-le-Roi.

Les carrières du Long Boyau, ouvertes sous Napoléon III

Les carrières du Long Boyau furent parmi les dernières à ouvrir. Tout le long du chemin, la paroi verticale qui fend le paysage est un front de taille que les hommes attaquaient, une fois ôtée la couverture végétale.

Front de taille au Long Boyau. Dans la fente du rocher, des promeneurs facétieux ont installé des dents et ils ont esquissé un visage au dessus du sourire de pierre

Les roches rondes ont été lissées par les eaux pendant des millénaires, mais la plaque rose est une blessure creusée par le travail des carriers.

Détail du front de taille

Les blocs détachés du banc

Patrick Dubreucq explique les techniques utilisées. Les carriers classaient les grès d’après le son entendu lorsqu’on frappait la pierre, classement important car les ingénieurs des travaux publics exigeaient du gré dur pour qu’il puisse résister au passage répété des véhicules, mais les carriers payés au mille de pavés, préféraient parfois débiter du grès tendre plus facile à tailler, quitte à décevoir l’acheteur futur.

La technique d’abattage dite à la mortaise consistait à insérer des coins en acier dans une cavité creusée dans le grès puis à frapper avec une masse pour détacher des blocs.

Une mortaise, ou cavité creusée dans le grès pour recevoir des coins en acier (ici demi cavité puisque les blocs ont été séparés)

On pouvait aussi  forer un trou dans lequel on insérait des cartouches d’explosifs avant de remplir le haut avec du sable humide et de le recouvrir de tôle chargée de pierres pour guider l’explosion.

Trou de mine

Des blocs de 50 à 100 tonnes se détachaient ainsi du banc. L’opération était répétée pour diviser le bloc en parties, jusqu’à atteindre la taille permettant d’obtenir des pavés, des bornes et d’autres produits commercialisables.

Trois blocs restés là ont l’apparence des ruines d’une forteresse de géants.

Sous la mousse d’un vert si brillant malgré le jour gris, il y a les tas de rebuts, des « écales », laissées par la taille des blocs.

Monticules d’écales recouverts par la mousse

Les abris de carrier

On trouve dans la forêt plus de deux-cents abris de pierres sèches. Construits surtout avec des écales, de hauteur réduite, ils servaient à stocker outils et provisions, peut-être à se reposer pendant les pauses. Sur la colline qui domine les Gorges du Houx et du Long Boyau, les abris sont regroupés. On les visite sous le nom de « village des carriers ». Bien sûr, ces gites précaires n’ont jamais fait office de village !

Abri de carrier
Intérieur d’un abri avec sa cheminée. Une pancarte prévient : Vestige archéologique. Prière de le respecter

Les voies pavées que nous traversons ne sont pas toujours celles qui ont été utilisées pour transporter le grès. Ces voies de vidange, des chemins empierrés pour permettre aux roues des charrettes de ne pas s’enfoncer, avaient parfois une bande de sable au milieu car les sabots du cheval avaient plus d’adhérence sur le sable. Mais les allées pouvaient servir aux attelages des dames qui suivaient les chasseurs lors des grandes chasses à courre dans la forêt royale ou bien sûr au transport du bois.

Voie carrossable dans la forêt

La patience de l’archiviste

Il faut aimer beaucoup les inconnus de l’histoire, les sans-blasons, sans-fortune et sans grandeur pour se noyer dans les archives, pour passer des heures et des jours à dépouiller les registres de décès, pour s’obstiner à rechercher dans la masse des journaux locaux un entrefilet consacré à un accident, quelques lignes qui donneront peut-être un peu de corps aux existences obscures des carriers de la forêt.

Patrick Dubreucq a patiemment rendu leur nom à ces oubliés de l’histoire. Il ne s’est pas découragé devant la monotonie des informations qu’il récupérait car il savait qu’elles deviendraient précieuses une fois cumulées. Après avoir consulté les registres d’inhumation du cimetière de Fontainebleau entre 1844 et 1857, il a ainsi montré qu’entre ces deux dates, comparée aux autres professions, l’espérance de vie des carriers de grès était écourtée de 15 ans, ces derniers étant victimes d’une variété de silicose appelée le « rhume de Saint-Roch » du nom de leur saint patron.

De temps à autre, l’archive en disait un peu plus. Un accident était survenu : des blocs de grès s’étaient détachés trop tôt et avaient écrasé un ouvrier sans le tuer, mais en le mutilant. Une lettre du chirurgien de l’hôpital de Fontainebleau qui avait dû l’amputer proposait de trouver une place au malheureux estropié. La suite donnée à la lettre n’avait pas été retrouvée et il n’y avait plus d’autre trace de l’existence de l’homme amputé. L’enquête débouchait sur une lacune. Quelques lignes, puis le vide, mais ce silence même de l’archive déclenche l’imagination et l’émotion.

Un tableau de Courbet, disparu dans les bombardements de Dresde, et dont restent une gravure et des copies, évoque la pauvreté des carriers vêtus d’habits déchirés et leur travail si pénible. Ce tableau est à la fois un manifeste réaliste qui fit scandale et il transforme les tailleurs de pierre en icones de la dénonciation de l’exploitation ouvrière.

 (http://courbetcestmoi.altervista.org/les-casseurs-de-pierres/?doing_wp_cron=1634310480.2886691093444824218750)

Pourtant, Patrick Dubreucq ne décrit pas les casseurs de pierres comme des malheureux résignés, mais comme des hommes fiers d’avoir choisi ce métier de plein air, loin des usines. Il raconte la grève de 1830 qui a abouti au départ du baron de Larminat, le conservateur des Eaux et Forêts évoqué plus haut, accusé entre autres de prélever des taxes trop lourdes. Pour une fois, la grève avait payé ; personne n’avait été poursuivi et c’est le baron qui avait dû partir. (Sans doute, Charles de Larminat payait-il ainsi ses liens trop étroits avec le régime de Charles X.)

En 1853, ces pauvres sont, comme le constate un autre inspecteur « toujours insoumis et exigeants » (dans François Beaux et al.p 35).  Ils sont aussi solidaires et désireux d’acquérir de l’instruction : dès 1832, en l’absence d’une organisation d’Etat, ils ont créé une société de secours mutuels qui permettait d’assister les malades, les veuves et les orphelins et certains carriers viennent suivre les cours du soir des Frères des Ecoles chrétiennes, malgré des journées de travail de plus de 10 heures.

Tout s’est arrêté pourtant avec la concurrence des pavés de meilleure qualité venus de Seine-et-Oise, de Bretagne ou de Belgique. Bientôt l’asphalte sera préférée et les protestations de plus en plus vives des artistes et des poètes achèvent de convaincre les autorités qu’il faut interdire l’exploitation du grès et réserver la forêt aux promeneurs.

Le passé s’éloigne et ne subsiste que sous forme de ces doubles traces que Patrick Dubreucq a appris à lire : celles qui demeurent dans la forêt ; celles qui dorment dans les archives.

Quelques références

Beaux François, Patrick Dubreucq, Dominique Lejeune (coord) et alii, , 2016, AAF, 26 rue de la Cloche – BP 14 – 77301 FONTAINEBLEAU cedex
Tél. : (33)1 64 23 46 45. Permanence le mardi de 10 h à 12 h, http://www.aaff.fr/index.php/2015-03-25-19-16-11/les-cahiers-des-aff

Blog de Patrick Dubreucq consacré aux Carrières et carriers de grès du massif de Fontainebleau et alentours : https://carrieresetcarriersdegresdumassifdefontainebleau.wordpress.com

Les Murs à pêches de Montreuil

Montreuil fait partie du département de la Seine-Saint-Denis, mais les Parisiens s’y rendent par la ligne 9 du métro sans se rendre compte qu’ils ont franchi la frontière du périphérique.  

Montreuil ville-monde

Pourtant, Montreuil fait historiquement partie de ce qu’on appelait la ceinture rouge de la capitale. Malgré la désindustrialisation, la ville est encore dirigée par un membre du parti communiste après un intermède écologiste (qu’explique l’arrivée récente de Parisiens des classes moyennes chassés du centre par le coût du logement). Des voies publiques s’appellent toujours rue Robespierre, alors qu’il n’y en a pas à Paris, rue Babeuf, avenue de la Résistance, avenue Salvador Allende.

Montreuil est une terre d’accueil pour les migrants. Les nationalités du monde entier s’y accumulent sans toujours se mélanger, Portugais et Maghrébins sont très représentés. Une communauté manouche importante est installée depuis longtemps dans la ville, des Roms de Roumanie sont arrivés, non sans tension. 10 % de la population de la ville est malienne ou d’origine malienne. Montreuil, ai-je entendu, c’est Bamako-sur-Seine.

Jusqu’à aujourd’hui, l’accueil et la protection des étrangers, la lutte pour leurs droits, l’aide aux populations fragiles restent un axe revendiqué par les responsables de la ville. L’aide est d’autant plus indispensable que les usines ont disparu et avec elles, le travail.

Des initiatives moins institutionnelles doublent ce réseau d’aides publiques. Les militants ne se lassent pas de répéter que s’il y a de la violence et des trafics c’est d’abord à cause de la misère et que les gens qui ont atterri à Montreuil ont d’abord besoin de solidarité.

Sur le plateau du Haut-Montreuil, c’est l’agriculture qui s’est effondrée. Des hectares de terres sont à l’abandon. Dans les friches des Roms se sont installés. Quand on passe rue Saint-Antoine, on voit des jardins retournés à l’état sauvage, et on entr’aperçoit dans l’ombre des cabanes de planches et de tôles et de vieilles ferrailles.

Histoire des Murs à pêches du Haut-Montreuil

Un peu plus bas se trouve la longue impasse Gobetue qui dessert des parcelles le plus souvent orientées nord-sud, enfermées dans des murs blancs. C’est le cœur de ce qui reste des Murs à pêches, symbole de l’horticulture montreuilloise.

Ces murs sont un sous-produit de l’extraction du gypse dans les coteaux de Montreuil. A partir de la fin du 18e siècle de grandes carrières se développent. Ces plâtrières génèrent des déchets qui ont été récupérés pour édifier les fameux murs pour l’agriculture. En effet, le gypse, roche tendre et bon marché, est un matériau dans lequel il est facile de planter les clous qui permettent de fixer des treillages ou d’autres liens nécessaires pour accrocher des arbres. Plaqués contre les murs, ceux-ci sont protégés du vent et récupèrent durant la nuit la chaleur emmagasinée dans la journée.

Les horticulteurs de Montreuil se débrouillent pour que les deux faces des murs soient successivement exposées, du matin jusqu’à midi pour le coté du « levant » et l’après-midi pour le « couchant ».

Des artistes du palissage

Le palissage est pratiqué depuis longtemps. En 1612, un manuel de François Gentil, Le Jardinier solitaire, conseille d’utiliser la technique du palissage sur mur afin d’obtenir des pêches en région parisienne, bien qu’il s’agisse encore de palissage sur treillages. Plus tard, vers 1665, Jean de la Quintinie, le responsable du Potager de Louis XIV à Versailles, vient à Montreuil et y recrute des spécialistes déjà réputés pour soigner les pêchers, notamment le montreuillois Nicolas Pépin dont le nom est resté. A l’imitation des arboriculteurs de Montreuil, il fait entourer de murs plâtrés plusieurs des carrés versaillais.

Les arboriculteurs de Montreuil produisaient des pêches de plus de 400 grammes si renommées qu’elles étaient servies à la table des principales cours européennes, cour du roi Louis XIV, mais aussi du roi de Prusse, du Tsar, etc. Grâce à Marie-Rose Simoni Aurembou, l’ouvrage d’un autre expert, publié en 1771, après sa mort, est bien connu. Il s’agit du Discours sur Montreuil. Histoire des murs à pêches, de Roger Schabol. Le livre comporte un précieux glossaire et une description précise des techniques utilisées. J’aime bien la façon dont cet amoureux des jardins recueille avec soin et respect les expressions des cultivateurs de Montreuil en notant à plusieurs reprises que leurs expressions et leurs termes sont « très-beaux » :

C’est dans le même sens qu’on dit encore, & ce mot est très-beau , laisser jetter son feu, en parlant de la seve , lorsqu’on laisse à un arbre beaucoup de bois surnuméraires, dont aussi on le débarrasse par après (p.LXIII)

Il décrit notamment Le palissage à la diable qui consistait en une répartition équilibrée à partir de deux branches charpentières, guidées en oblique, ainsi que le palissage à la loque réalisé avec des chiffons récupérés chez les tailleurs de la rue de Paris. Avec ces bandes d’étoffe on fixait les branches aux murs sans risque de serrer trop et donc de blesser les rameaux.

Abbé Roger Schabol.  arbre tout taillé , & palissé à la loque , & où ont été récepées par en bas les branches trop proches

Six-cents kilomètres de murs

Un pêcher palissé pouvait produire 400 kg de fruits. De nouvelles variétés de pêches sont créées à Montreuil, comme la Prince of Wales, la Grosse Mignonne ou la Téton de Vénus. Un siècle plus tard, le témoignage de Louis Aubin, fils de jardinier, lui-même jardinier, a permis aussi de conserver la mémoire d’horticulteurs doués, comme ce Joseph Beausse dont la « Belle Beausse », mûrit la première quinzaine de septembre ou ce Gustave Guyot qui nomme sa « Belle Henri Pinault », en hommage à son ami Henri Pinault. Vers 1825 la récolte atteint quinze millions de pêches produites sur six cents kilomètres de murs.

En 1907, près de 300 hectares sur les 900 que compte la ville sont consacrés à l’agriculture.


https://journals.openedition.org/ephaistos/288)

La production fruitière était la production principale, mais l’espace central des parcelles était utilisé pour cultiver des fleurs, des plantes médicinales ou des légumes.

Les batailles de la MAP (Murs A Pêches)

Cependant, là comme ailleurs, à la fin du 19ème siècle, la grande époque de Montreuil aux pêches se termine avec l’accélération des transports : les chemins de fer permettent aux pêches de Provence d’arriver à Paris avant la maturité des pêches de Montreuil.

En 1953, une surface de 50 ha était encore classée en zone horticole protégée. En 1994, cette zone est transformée en zone urbanisable à 80 %. (Ce n’est pas la peine d’imaginer des turpitudes et il est sans doute difficile d’arbitrer entre le besoin de logements et la lutte contre le bétonnage des terres agricoles qui mobilise les écologistes !) C’est donc pour ce passé, antérieur au développement industriel de Montreuil, que se bat l’association des Murs à pêches, (MAP) . L’association arrache, en 2003, le classement de 8 hectares et en 2018 le renoncement à un second projet de cession de deux hectares au groupe Bouygues (Victor Tassey, 2018, Le Parisien). En 2020, les Murs à pêches obtiennent la labellisation « Patrimoine d’intérêt régional » par le Conseil régional d’Ile-de-France, puis la Fondation du patrimoine accorde au site une aide financière de 300 000€, la plus grosse dotation de la région, auxquels s’ajoutent un chèque de mécénat culturel de 50 000€ signé par la Française des jeux et l’ouverture d’une souscription populaire pour récolter 70 000€ supplémentaires.

Tous aux jardins !

Dans certaines parcelles, musiciens, marionnettistes, conteurs… s’agitent comme de beaux diables pour que vive une culture populaire. Amis, enfants, passants s’installent. Il suffit d’une corde et de quelques pinces à linge pour fabriquer un rideau de scène :

Les parcelles laissées aux agriculteurs s’autogèrent quitte à ce que quelqu’un pousse une gueulante quand des utilisateurs négligents oublient par exemple de fermer une porte.

Avertissement signé Patrick Fontaine

Patrick Fontaine représente l’élite des cultivateurs de parcelles et tient à le faire savoir. Les prix qu’il a gagnés sont affichés sur la porte du cabanon de son verger.

Sa parcelle qui n’est pas grande est une merveille de rationalité, Les espèces se succèdent, variétés précoces, variétés tardives et chaque centimètre de mur est utilisé. Le dessin explique très  bien comment on peut même trouver la place d’un poulailler (en bas à droite du dessin) dans cet espace en réduction !

Détail du plan de la parcelle de Philippe Fontaine. Côté Sud

Il cultive – surtout des pommiers et des poiriers – avec les techniques du passé, c’est-à-dire en utilisant le fameux palissage.

En juin, ses fruits qui commencent à se former sont soigneusement protégés. J’imagine Patrick Fontaine surveillant ses belles pommes pour les cueillir à maturité. Il n’y a rien de comparable entre l’attente du jardinier qui attend avec concupiscence que sa pomme Rose-de-Brie soit mûre et les amas de fruits qu’on vient acheter dans les supermarchés. Cette joie de la cueillette, il s’est donné les moyens de la renouveler au fil des semaines en fonction des variétés précoces ou tardives qu’il a plantées.

Le beau fruit sous son voile
Pommier Belle de Pontoise

Ses voisins sont moins savants et moins acharnés dans l’art du bêchage. Le jardin médiéval est un peu décoiffé, et mauvaises herbes et coquelicots y poussent en paix, ce qui pour un jardinier méthodique doit être un scandale ! De vieilles dames passent en riant. Les enfants courent partout. J’aime beaucoup les légumes qui grandissent dans des couffins à même le sol.

Jardin médiéval. Fèves et bardane

Nous n’arrivons pas à nous passionner pour l’exposition organisée dans une des parcelles, Expo Land Art aux Murs à Pêches, encore visible le 27 juin. Tout de même, une petite halte devant le dispositif imaginé par Eugenia Reznik, émigrée de son Ukraine natale et installée au Québec. L’Atlas des plantes déracinées ce sont de vieilles valises, remplies de terre et de fleurs, et abandonnées dans la prairie. On peut avec un téléphone portable cocher un QRcode et écouter son histoire de migration. 

Tout ça, c’est Montreuil, ville révoltée et ville heureuse, avec ce qu’il faut d’idéalisme pour faire vivre de petites utopies.

Bibliographie

AUDUC Arlette et al, 2016, Montreuil, Patrimoine Horticole. Hrsg. vom Service patrimoines et Inventaire der Région Île-de-France. Paris

GAULIN Chantal, Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, vols 30 3et4

Gaulin Chantal

Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée  Année 1983  30-3-4  p. 320

GENTIL, François, 1612, dit frère), Le jardinier solitaire, ou dialogues entre un curieux et un jardinier solitaire. (Paris,1612) Le Jardinier solitaire, ou dialogues entre un curieux et un jardinier solitaire 

LAFARGE,  Ivan, Les murs à palisser « à la Montreuil. In:  e-Phaïstos, I-1 | 2012, 79-87 https://journals.openedition.org/ephaistos/288 [En ligne], I-1 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2015, ? 1750 ?Discours sur le village de Montreuil, 1750.

SCHABOL, Roger, (abbé) , 1771, et texte inédit de Louis Aubin, 1933, édition Lume, 2009 (http://www.lume.fr/ [archive]).  La théorie et la pratique du jardinage et de l’agriculture … ; le tout précédé d’un dictionnaire servant d’introduction à tout l’ouvrage, & qui forme le premier tome, par M. l’abbé Roger Schabol.

SCHABOL, Jean-Roger. 1767, Discours sur Montreuil. Histoire des murs à pêches,

SCHABOL Roger (abbé), La théorie et la pratique du jardinage et de l’agriculture, par principes et démontrées d’après la physique des végétaux, Paris 1767, p 322, selon cet auteur cette pratique serait apparue vers 1620.

www.jardin-ecole.com/newsitejardin-ecole

https://mursapeches.blog/

Vous pouvez visiter des parcelles : https://racinesenville.wordpress.com/au-jardin/

http://jardinons-ensemble.org/spip.php?article250

https://www.parcsetjardins.fr/jardins/1733-jardin-de-la-lune (d’inspiration médiévale)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mur_%C3%A0_p%C3%AAches

https://mursapeches.blog/qui-sommes-nous/lhistoire-des-murs/

https://www.wikiwand.com/fr/Mur_%C3%A0_p%C3%AAches

A la recherche des petits grèbes de Créteil

il y a déjà deux jours que Myriam m’a prévenue :« Les petits grèbes sont nés mais les parents ne les portent pas encore sur le dos ce qui est un spectacle fascinant mais il faudra te dépêcher pour les voir cette année parce que cela ne dure que quelques jours. »

Malgré le froid vif et un emploi du temps serré, nous prenons le chemin de béton qui longe le lac après la préfecture de Créteil où se trouve la demeure des grèbes. Le temps a changé tout à coup. Il fait froid et le ciel est très nuageux.

Préfecture du Val de Marne et jet d’eau du lac de Créteil
Créteil. Roselière et immeubles

Les roseaux bougent au vent, à deux pas des immeubles.

Pourtant, malgré le retour de l’hiver, les naissances se sont accélérées et en longeant la rive, on ne compte plus  les nids occupés. Ces oisillons hirsutes sont-ils des foulques ?

Les vedettes sont les grèbes : nous avons rencontré deux personnes qui, nous croisant un peu avant  notre destination, nous ont hélés : « Ils sont nés. Ils sont nés ! Avec votre appareil, vous avez une chance  de les prendre en photos ! » Seulement, si le couple de cygnes qui a construit son nid contre le quai se borne à siffler quand le regard insiste trop, les grèbes restent cachés derrière le rideau des roseaux.

De surcroit, la mère qui flotte sur l’eau grise sans avancer cache les oisillons sous son aile. Il faudra revenir dans quelques jours pour voir les petits se promener sur son dos.

Mais pourquoi donc étais-je si contente à l’idée de voir des grèbes huppés ?  Pas seulement pour les aigrettes élégantes, les plumes rousses et le bec allongé, pas seulement parce que les petits montent sur le dos des adultes et partent ainsi en promenade, mais parce qu’entendant parler des grèbes de Créteil, j’avais l’impression d’avoir rendez-vous avec un souvenir archaïque. Ce souvenir ancien m’est revenu soudain. Le nom grèbe se détache sur le fond des lectures d’enfance à présent presque oubliées. Parmi les albums du Père Castor si bien illustrés par Rojan, j’ai lu les aventures de Plouf, Le Canard Sauvage qui vivait sur un étang, entouré d’oiseaux amicaux dont les petits Grèbes en habits rayés. C’est un étrange plaisir de retrouver les premières évocations de petits fragments de réalité arrachés au passé.

Plouf, Canard Sauvage. http://www.mulubrok.fr/archives/2015/03/10/31677402.html

Le Petit Grèbe, c’est aussi le titre d’une nouvelle farfelue d’Haruki Murakami, légèrement angoissante comme souvent dans cette œuvre. Après avoir erré dans de longs couloirs, le narrateur tombe sur un gardien chargé d’annoncer les visiteurs, qui lui demande le « mot de passe ». S’il ne trouve pas la réponse, alors qu’on ne la lui a pas communiquée, le narrateur ne pourra pas se rendre à un rendez-vous professionnel important pour lui. Pour aider le nouvel Œdipe, le portier donne des indices : le mot a rapport avec l’eau, il comporte 5 lettres, commence par un G et ne se mange pas.  Le narrateur propose « Grèbe » aussitôt refusé, mais il insiste et maintient qu’il n’y a pas d’autre solution à l’énigme. Il élève tant la voix que le gardien finit par se laisser fléchir et l’annonce.

« Ne laisse pas quelqu’un te dire ce qu’est la vérité, semble dire Murakami. Rebelle-toi et tu sortiras du cauchemar ? ». Cependant le récit ne s’achève pas là. Il nous emmène dans le monde tout aussi loufoque de la personne qui reçoit le héros. Même s’il a les attributs extérieurs d’une sorte de directeur d’entreprise bien ancré dans le quotidien (montre, fauteuil de cuir, lunettes), ce dernier est le petit grèbe. On ne saura pas si c’est le narrateur du premier épisode qui le voit désormais comme un grèbe ou si le directeur est un grèbe qui se tient à la frontière de la réalité et de l’imaginaire…

Même sans le savoir, je transporte avec moi ces motifs rencontrés dans les livres les plus inattendus. Il n’est pas besoin que ces livres appartiennent à la littérature. Ma bibliothèque imaginaire garde dans ses rayonnages des phrases, des images, des mots. Tout à coup une rencontre les fait réapparaître et je m’aperçois que ces souvenirs dormants m’accompagnaient depuis des années.

Promenade dans le Nouveau Créteil

Le Créteil que je visite aujourd’hui grâce à Myriam Panigel s’est construit pendant notre jeunesse et pourtant nous lui avons tourné longtemps le dos. Malheur aux amis qui habitaient en banlieue : c’était toujours eux qui venaient, alors que nous ne traversions jamais le périphérique !

J’étais « montée à la capitale » en 1967 et ma ville se résumait au quadrilatère qui allait du Jardin des Plantes au musée Rodin, de la place de la Concorde au Marais, avec une petite extension vers Vincennes. J’allais aux PUF, chez Maspéro, aux cinémas de la rue Champollion. Je fredonnais Il est cinq heures, Paris s’éveille. Il n’y a plus d’après à Saint-Germain des Prés,  Je donnais rendez-vous à des amis au café de la Boule d’Or, 4, place Saint-Michel. Je raconterai une autre fois comment j’ai vu disparaître librairies et cinémas, remplacés par des boutiques d’habits et des mangeoires à touristes… mais c’est une autre histoire. Ce que je veux dire aujourd’hui c’est que mon amour d’un Paris déjà désuet, m’empêchait de voir que le centre-ville devenait un décor figé tournant le dos à son époque.

Depuis mon retour à Paris, je me mets à flâner dans les villes de la périphérie, Montreuil, Bobigny, Le Perreux… Construit dans les années 70, avant La Défense, avant le quartier Bercy, voici le Nouveau Créteil qui a servi de terrain de jeu aux architectes. Et voici Myriam que j’ai rencontrée grâce à nos blogs respectifs… qui a été pendant un moment une plume amicale dont j’aimais le goût des voyages nourris de littérature (https://netsdevoyagescar.files.wordpress.com/2019/04/cropped-20190308_132329-e1554813672735.jp jusqu’au jour où, voyant que je m’intéressais aux bords de Marne, elle m’a écrit « Je peux te montrer Créteil ».  Je l’attends sur la placette toute proche de l’arrêt Créteil-Université et je la reconnais tout de suite grâce à sa description (petite, cheveux frisés gris, jean gris, masque à rayures rose et blanc…)

Placette située à l’arrêt de métro Créteil-Université. Sortie Mail des Mèches

Nous partons vers le quartier des facs. Ce qui m’a paru remarquable pendant notre promenade est que Le Nouveau Créteil  a été aménagé comme un tout. Il comporte les indispensables tours d’habitation, les boutiques qui équilibrent les centres commerciaux, les placettes où l’on peut s’arrêter le temps d’un verre… mais le plus précieux, ce 1er avril où il fait très beau, ce sont les itinéraires piétonniers bien distincts des routes, qui permettent de traverser un grand morceau de ville sans être gêné par les voitures. Pour faire ville, le chemin qui relie les bâtiments, (sinueux pour la beauté des courbes, mais pas trop afin que personne ne trace de raccourcis sauvages) est sûrement aussi important que le reste. « Au premier confinement, dit Myriam j’ai appris à regarder intensément chaque arbuste sur mon trajet. Mille détails des plantations ont accroché mon regard. Voir les tulipes et les myosotis s’épanouir  devenait  un évènement qui compensait l’enfermement. » (https://netsdevoyages.car.blog/2020/04/27/creteil-voyages-minuscules-dans-un-rayon-d1-km/)

Mail des Mèches. Vers la cathédrale

Le diocèse de Créteil est malheureusement fermé en raison du Covid, mais les deux coques de bois qui évoquent la coque d’un bateau retourné me plaisent bien. De face, l’église est arrondie, basse, si on excepte le clocher séparé en forme de mât. Longtemps, les cathédrales ont écrasé les quartiers qui les entouraient. Ici, les proportions de la tour Mansart et de l’église sont inversées. L’œuvre conçue initialement par Charles-Gustave Stoskopf était encore plus modeste.

Cathédrale de Créteil. Bâtiment initial de Charles-Gustave Stoskopf (Wikipédia)

Marie-Pierre Etienne, l’architecte chargée du « redéploiement », a agrandi l’édifice, et lui a donné un style.

Marie-Pierre Etienne. Diocèse Notre-Dame de Créteil.
Cathédrale de Créteil. Détail du clocher

Nous avançons entre les immeubles en direction du tribunal. Les architectes ont assoupli le « brutalisme » puritain des années d’après-guerre en rendant aux habitants couleur et formes décoratives.

Quartier Montaigut

Nous tournons autour du tribunal, œuvre monumentale de Badani et Roux-Dorlut. Avec ses 15 000 m², c’était, dans les années 70, l’un des plus importants tribunaux de France. J’ai lu que, les architectes avaient, en le dessinant, pensé au livre de la Loi  et au fléau de la balance de la Justice. Nos architectes vendent des mots autant que des formes !

Arrière du Tribunal de Créteil
Tribunal de Créteil. Entrée principale

le bâtiment a de l’allure, même s’il est un peu trop symétrique et solennel pour mon goût.

Juste à côté, commence le quartier des Choux, dessiné par Gérard Grandval. Chaque tour est hérissée de balcons évoquant vaguement des pétales repliés, ou des coquilles, qui dérobent l’intérieur au regard, ce qui devait, selon l’architecte, protéger l’intimité des occupants.

Tours des Choux (quatre Epis)

Les Choux ? Un panneau rectifie : « Non ! Les immeubles de quinze étages ce sont Les Epis. Le Chou, c’est la tour plus basse et plus large. » On apprend aussi que l’architecte prévoyait des façades végétalisées. Prudente, la ville a reculé devant les frais d’entretien. Il paraît que les logements ont difficilement trouvé preneurs. Les formes cylindriques sont difficiles à meubler et nombreux étaient les habitants choqués par les formes si décalées par rapport aux normes de l’époque. Une mauvaise blague du film Tellement proche disait que Gérard Grandval s’était suicidé en voyant son œuvre réalisée. Il n’en est rien et ce grand ensemble construit il y a près de 50 ans a plutôt bien vieilli. En tout cas, Il a fait la célébrité de Créteil.

A l’Hôtel de Ville, dessiné par Dufau qui était aussi l’architecte qui animait l’équipe de 100 architectes chargés du Nouveau Créteil, le côté massif se confirme, avec ce côté bien français qui associe puissance publique et étalage de grandeur. On imagine le maire dans son bureau, situé dans les étages supérieurs, très loin de l’agitation de sa « bonne ville » de Créteil. Cependant la tour posée sur un cylindre de béton paraît suspendue dans le vide et fait montre d’une hardiesse sympathique.

Hôtel de Ville de Créteil. Un cylindre suspendu dans le vide

Sur l’esplanade, une sculpture de Jean Cadot dont j’ignorais tout, évidemment très symbolique : un homme de bronze fend le mur de briques qui l’emprisonnait :

Parvis de l’Hôtel de Ville de Créteil
Jean Cadot. L’Homme qui fend le mur

La Maison des Arts et de la Culture de Créteil est fermée, ce qui est d’autant plus triste, dit Myriam, qu’elle invite de beaux spectacles de danse toute l’année et qu’en 2020, justement, la compagnie de Maguy Marin était accueillie en résidence.   «  Bref ! A Créteil, on n’est pas au bord de la capitale. On habite une ville en soi, pas une banlieue.  »

Et voici le lac de plus de 40 hectares, né des carrières de gypse et de graviers, non comblées à la fin de leur exploitation en 1976. La nappe phréatique de Champigny et un déversoir l’alimentent et sa hauteur varie en fonction du niveau des rivières. Roseaux et massettes ont été plantés ça et là et les oiseaux en profitent pour bâtir leurs nids.

Je vais sûrement revenir guetter les grèbes huppés qui se cachent derrière les herbes et photographier le lac décoloré par la brume de chaleur qui l’écrase aujourd’hui, comme s’il s’agissait d’un paysage chinois. Les équipes de réalisateurs ont la même impression, puisque Myriam m’apprend que les camions de tournage garés tout près travaillent à une série sur la Chine. C’est en Chine que j’ai vu ces lacs urbains avec des barres d’immeubles à l’horizon.

L’Esplanade des Abymes

Nous traversons le quartier de La Croisette et l’esplanade des Abymes. Les noms ne sont pas menteurs car l’urbanisme a quelque chose de la Méditerranée. L’esplanade est remarquable aussi par ses jardins admirables.

Ce sont sûrement des quartiers très gentrifié. Dans l’ensemble cependant, Créteil n’est pas menacé comme l’est Paris par l’élimination des couches populaires. La ville est très jeune, multi-ethnique. J’imagine qu’elle est plus vivante encore quand les universités sont ouvertes.

Nous revenons par le grand parc aménagé sur l’autre rive du lac qui conduit à la mosquée (bibliothèque hammam, salon de thé). Là encore, tout est fermé.

Créteil. Mosquée Suhaba

Apparemment, la mosquée a été construite sans polémique dans une ville où l’on coexiste sans heurts majeurs. «  – Pas d’antisémisme, non plus ?  » Myriam dira seulement qu’elle regrette les années où son collège était vraiment mixte. Aujourd’hui, la plupart des enfants juifs vont dans un lycée privé. (Repli sur-soi excessif, désir de maintenir un bon niveau scolaire dans une académie où les résultats scolaires sont très problématiques, ou nécessité devant les agressions, je n’en saurai pas davantage).

Les conflits politiques qui agitent Myriam aujourd’hui portent plutôt sur le projet de construction d’un troisième four à l’usine de traitement des déchets,Valo’Marne, usine gérée par le syndicat Smitdvum, qui couvre 19 communes du Val-de-Marne.  Grâce à l’incinération, la ville se chauffe à bas coût, mais en augmentant les capacités de traitement, on génère des norias de camions venus de toute la région parisienne. Le problème des vélibs est inverse. Les solutions locales empêchent d’utiliser le même système de location dans toutes les communes, en particulier Paris, tellement proche. Eternel problème du gigantisme de la région parisienne et de la difficulté de trouver la bonne échelle locale.

Le promenade s’achève. A défaut d’une terrasse de café, on boit une bouteille sur la placette.  Merci Myriam. Malgré le Covid, qui voit s’annuler voyages, activités communes et fêtes, nous avons tout de même de la chance… Il nous reste les lieux qu’on ne se lasse pas de parcourir, qu’on apprend tous les jours à mieux connaître ; il nous reste les blogs qui ont permis de se rencontrer, pas seulement par écrans interposés, mais le temps d’une après-midi partagée… Et pour moi, la découverte du Nouveau Créteil qui semble réaliser l’utopie de la ville à la campagne, ou la dystopie de la campagne en ville, si on refuse le mélange des tours et des lacs urbains !

http://laccreteil.fr/spip.php?rubrique9

(https://netsdevoyages.car.blog/2020/04/27/creteil-voyages-minuscules-dans-un-rayon-d1-km/)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Gustave_Stoskopf

https://laccreteil.fr/