GPS et banlieue
Ça va bien jusqu’à la sortie de Paris, mais une fois en banlieue, il y a des routes partout. La voix artificielle articule nettement. « Après 800 mètres, tenez la gauche » et pour être sûr que le conducteur ait bien compris, le programmateur lui fait répéter « Tenez la gauche ». La séquence suivante arrive très vite : « Au rond-point, tournez à gauche, 4ème sortie ». Las, nous avons sans doute confondu une sortie et un chemin privé. L’écran s’interrompt et ce qui apparaît, c’est « Reprogrammation ».
Quand j’avais une carte sous les yeux, j’avais une idée approximative de l’ensemble du chemin à parcourir. Aujourd’hui, je suis les instructions de la voix en regardant la petite fenêtre de l’écran qui indique une ou deux rues d’avance. « Virage à gauche imminent ». que faire ? Il n’y a pas de possibilité de tourner à cet endroit. Ah ! oui, c’est vrai, en langue GPS « imminent » ne veut pas dire « immédiatement ». Entretemps cependant, il aurait fallu tourner. Au lieu de quoi, le GPS reprogramme l’itinéraire et nous amène à l’entrée d’un tunnel autoroutier à deux branches. Faut-il prendre à droite ou à gauche ? Le GPS réfléchit, semble-t-il. En tout cas, il prend son temps, et la copine à l’arrière est terrifiée de nous voir immobilisés à l’entrée d’une autoroute. Nous nous décidons pour la branche de droite, nous acquittons un droit de passage et nous partons pour dix kilomètres sous terre. Sortie vers Versailles, loin de Guyancourt.
Le GPS toujours aussi calme ordonne : « Tenez la gauche. Tenez la gauche, puis à la fin de la route, tournez à gauche ». Une fois de plus, nous n’avons pas su choisir entre bretelles, échangeurs, voie rapide et autres rocades. Nous voici dans la forêt de Fausses Reposes, route de l’Impératrice. De l’autre côté du bois, c’est déjà Marnes-la-Coquette et le pavillon qu’occupait Johny Halliday dont on voit la grille où les admirateurs accrochent régulièrement des bouquets. « Faites demi-tour dès que possible », répète la voix du GPS qui nous ramène en sens inverse sur la route de l’Impératrice. « Virage à droite imminent. A la fin de la route tournez à droite, puis à la fin de la route tournez à droite ». Et nous revoici dans le tunnel en sens inverse jusqu’à notre point de départ du côté de Saint-Cloud. (Cette fois, le droit de passage est de 8 euros, mais Guyancourt est toujours à 25 kilomètres. « Au rond-point, tournez à gauche 4ème sortie »),
Je vais racheter une carte. Je ne sais pas parler le GPS.
Manuel Nuñez Yanowsky : les Caryatides de Guyancourt
Enfin nous arrivons dans la ville nouvelle de Guyancourt au croisement des rues Andrea Palladio et Franck Lloyd Wright pour voir les immeubles postmodernes de l’architecte Manuel Nuñez Yanowsky. Nous aimons beaucoup le contraste des lignes droites de l’immeuble avec la jolie torsion des Vénus de Milo (dupliquées comme étaient dupliqués les esclaves du commissariat Daumesnil). C’est à nouveau la rencontre d’une image icônique de l’art ancien et du béton façon Bofills.
« Oui bien sûr, dit la dame. Au moins, c’est une architecture qu’on ne voit pas partout, même si tout le monde n’apprécie pas. »
– Et vous ?
– Je vous ai dit, j’apprécie de vivre dans une ville qui n’est ni banale, ni trop urbaine. En été, c’est très agréable. En hiver, ça ne suffit pas, quand même. On manque de transport et il n’y a rien à faire le soir pour les jeunes.
Alors… une architecture pour photographes amateurs ? Le contraste du béton et des réminiscences de l’art classique.
Cependant, les immeubles de Yanowsky ne sont pas tout à fait aussi raides qu’ont pu l’être les realisations des architectes des années cinquante, car l’architecte a un peu joué, ajoutant un puit de lumière et quelques décors sur les murs.

Puits de lumière. Photo Martine Halimi
La référence à l’art est, elle aussi, joueuse. Yanowsky nous montre des Vénus qui font semblant de porter le socle de l’immeuble sur leur épaule mutilée et certaines sont enceintes de foetus bizarres.
Et puis l’immeuble est à taille humaine. Il n’engendre pas le sentiment de vide que l’on ressentait devant l’immensité des espaces de Noisy-le Grand
La dame nous a dit d’aller voir entre les deux immeubles jumeaux de Yanowsky, un jardin réalisé par un paysagiste et un sculpteur grec. Juste le temps de marquer une petite halte devant les Gogottes du sculpteur Philolaos.
Il faudra revenir sinon nous serons en retard pour le déjeuner chez les amis qui nous attendent.