Jardins et balcons de Paris

Les Jardins d’Orient à l’Institut du Monde Arabe

Je suis allée voir l’exposition de l’Institut du Monde Arabe sur les jardins orientaux, et je suis malheureusement arrivée en retard. Mon amie m’avait attendue si longtemps que j’ai un peu sacrifié le début de l’exposition pour la rejoindre. J’ai quand même appris que les Occidentaux doivent l’essentiel de leur art des jardins au monde oriental. C’est à Babylone, non loin de l’actuelle Bagdad, vers 600 ans avant JC, que tout aurait commencé. Pour plaire à sa femme, qui regrettait les collines boisées de son enfance, le roi Nabuchodonosor aurait fait édifier une montagne artificielle, couverte d’arbres sur son sommet et ses terrasses latérales. Des machines hydrauliques, qui ont suscité l’admiration jusqu’à aujourd’hui permettaient de monter l’eau de l’Euphrate jusqu’aux terrasses. L’exposition suggère que cette origine est douteuse et qu’il faut aller chercher en Perse les premiers systèmes d’irrigation efficaces. J’ai cru comprendre que la vis d’Archimède avait été inventée par ces Perses quelques siècles avant la date officielle. En tout cas, le monde des religions du Livre n’a cessé de rêver aux jardins d’Orient puisque le mot Paradis voulait simplement dire ‘jardin’ en ancien persan.

1000 ans plus tard, on propose encore des représentations des jardins de Babylone comme celle d’Athanasius Kircher.Athanasius Kircher. Jardins de Babylone

Et je me souviens d’Henri Salvador qui chantait dans mon enfance :

Voir les jardins de Babylone

Et le palais du Grand Lama

Rêver des amants de Vérone

Au sommet du Fuji-Yama …

C’est donc d’Orient que sont venus nos jardins médiévaux découpés en quatre par des allées en croix et leurs plates-bandes en carrés. C’est en Orient aussi qu’on a pris l’habitude d’enclore de beaux jardins décorés de fontaines. On les retrouve, chez nous, associés au culte marial. Des roses, des lys, et une vierge sage gardée entre les murailles, son missel à la main ou son enfant dans les bras. Au XVIIème siècle, les parcs à la française jouent avec des perspectives grandioses, sans commune mesure avec les jardins du Moyen Age, mais les architectes ont conservé le goût oriental pour des compositions géométriques, disposées autour de pièces d’eau. Bassins et fontaines sont toujours l’âme de nos parcs.

L’exposition présente aussi les échanges entre les arts, les ornements des tapis et des vêtements reprenant les broderies de verdure des jardins. Elle expose d’admirables images du jardin Majorelle de Marrakech avec sa profusion de cactus, yuccas et palmiers adossés à des murs bleus intenses ; elle montre des peintres qui revisitent la tradition des miniaturistes…

D’où vient ma légère déception ? Du côté minimaliste des explications, peut-être. Une photo montre un certain Gabriel Veyre, étendu sur une chaise longue, les yeux clos. L’art de la sieste ? Une nonchalance décadente ? Ce n’est pas à l’IMA que j’en ai appris davantage. Il a fallu que je me branche sur Internet pour trouver quelques renseignements sur ce photographe amoureux  du Maroc. Un peu plus loin, des images de femmes dans les jardins de l’Islam, voilées, dévoilées, entre elles, avec un ou deux hommes… Mais où sont-elles exactement ? A Téhéran, en Arabie Saoudite, au Maroc ? Les légendes des photos ne l’indiquent pas. On dirait que pour la commissaire de l’exposition tout s’équivaut et qu’elle construit une représentation unifiée, forcément trompeuse de la place des femmes dans ces pays.

Déception aussi en ce qui concerne le « jardin évènement » qui devait apporter l’Orient à Paris. Orangers, palmiers, roses et fleurettes sont là, mais la luxuriance n’est pas au rendez-vous. Il est vrai que nous sommes devenus difficiles et que les jardineries nous ont habitués à une profusion de couleurs et d’odeurs. Le Truffaut du quai de la Gare rivalise très bien avec l’Institut du Monde Arabe. Il regorge de plantes d’intérieur et d’extérieur, de fleurs de soleil et d’ombre, potagères ou décoratives ! Soyons patients. A l’Institut du Monde Arabe, les fleurs vont pousser pendant l’été. En attendant, nous avons docilement pris la passerelle pour voir l’anamorphose de François Abelanet et puis nous sommes repartis dans Paris.

Anamorphose. Exposition Jardins d'Orient IMA

Anamorphose. Exposition Jardins d’Orient IMA

La grande olivaie

Les Parisiens sont assez riches pour fleurir leurs balcons. Ils y sont encouragés par les pépiniéristes bien sûr, mais aussi par les écolos qui leur répètent que les plantes des balcons favorisent les insectes pollinisateurs et enclenchent un processus vertueux assurant une ville verte aux générations futures. Que planter ? Les plantes de balcon, c’est un peu comme les prénoms des enfants. En 2016, Louise et Léo ont remplacé Emma et Nathan. Sur les balcons, les géraniums et les pétunias ont reculé devant les lavandes, les lauriers et les oliviers. Pourquoi ? Battage des catalogues peut-être ? Envie de se souvenir de la Méditerranée à Paris ? Besoin de voir du vert en toute saison ? En tout cas, Paris doit être aujourd’hui la plus grande olivaie de France. En attendant que des ethnobotanistes mettent en ligne une enquête sur les balcons parisiens, voici quelques images de cette mode du Sud.

Palmier. Bl Saint-Germain

Palmier au croisement Saint-Germain, rue des Bernardins

L'olivier et le cactus. Rue des Bernardins 5e

L’olivier et le cactus. Rue des Bernardins 5e

Mais les lauriers-roses battus par la pluie n’ont pas le parfum funèbre et sucré des étés de Provence

rue Michelet. lauriers roses

rue Michelet. lauriers roses

et un olivier, c’est d’abord un tronc millénaire qui a connu l’empire romain, résisté à la sécheresse, survécu aux incendies et pas ces arbustes nains, ces bonsaï de balcons. Qu’est-ce qu’une olivaie sans les rafales de vent qui rebroussent les feuilles grises et leur donnent la couleur de l’argent ?

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