La grande marée au Mont-Saint-Michel

Au Mont-Saint-Michel ont lieu les plus grandes marées de l’Europe continentale, jusqu’à 15 mètres de différence entre basse et haute mer. Lors des grandes marées, la mer se retire à 15 kilomètres des côtes et remonte très rapidement. Les marées les plus fortes ont lieu 36 à 48 heures après les pleines et nouvelles lunes, mais les offices de tourisme indiquent les horaires, en précisant qu’il vaut mieux être présent 2 heures avant les horaires indiqués.

Une baie immense et un triangle noir posé sur le ciel

Le soleil luit sur le GR qui permet d’aller à la pointe du Grouin du Sud. Le ciel est blanchâtre, mais le vert des prés rayonne, remplit les yeux de lumière.

Seul le fond du paysage reste vaporeux.

Nous voici arrivés à la pointe, située près de Saint-Léonard. L’impression est d’autant plus grandiose que la baie est vide à perte de vue ;  il n’y a presque rien pour arrêter le regard. Un petit promontoire au bord de l’eau où nous sommes et les deux saillies sur l’horizon : la plus petite, l’îlot de Tombelaine, et l’autre, le puissant rocher de Saint-Michel, un triangle noir où l’on ne distingue plus la roche et le monument à la flèche élancée.  Théophile Gautier évoque les deux îles.

L’isolement de cette masse préoccupe l’œil, qui du rivage s’y reporte toujours comme malgré lui. Un peu plus loin, et de cette place cachée à demi par la découpure colossale du mont, s’ébauche Tombelaine, une roche rase et formant îlot, d’où les habitations ont depuis longtemps disparu. Tombelaine à côté du mont Saint Michel, c’est le nain près du géant, la borne près de la pyramide. (Quand on voyage, cité par Wikipédia)

Saint-Michel et Tombelaine (17h 13)

Les chenaux des rivières dessinent de grandes courbes.

Le mascaret

Des automobiles sont déjà sur le parking et un groupe s’est installé à l’extrême de la pointe pour attendre le moment où la mer va se soulever et avancer (Victor Hugo écrivait qu’elle avance à la vitesse d’un cheval au galop et depuis tous les guides répètent la formule). Arrivent un homme et une femme portant un kayak.

Portage du kayak

–  Où allez-vous ?

­–  Nous allons chercher la barre.

– La barre ?

– Le mascaret si vous aimez mieux : la première vague de la marée montante qui peut atteindre des dizaines de centimètres à l’embouchure de la Sée et de la Sélune. Elle permet de remonter à contre-courant en surfant sur la vague.

–  Oui, oui ! Je sais ; j’ai d’ailleurs vu la marée il y a longtemps depuis le Mont Saint Michel. Ce qui m’a impressionnée, c’est le grondement de l’eau qui accompagnait la vague.

– Je viens depuis que je suis petit. En fait, ça me vient de mon père. C’est lui qui m’a emmené la première fois. Je n’imagine pas une année sans venir. C’est pas tout ça. Il faut qu’on y aille. Nos copains sont déjà loin. Profitez bien !

A présent, je vois dans le courant principal quelques embarcations qui descendent vers l’embouchure du lit principal. Tout est calme. L’eau est grise. Les bancs de sable, gris. La silhouette de l’embarcation, noire ;  celle du goëland, noire aussi.

Une troupe d’oiseaux vaque à ses occupations d’oiseaux

Les oiseaux

Les couleurs changent de minute en minute. Tendres, puis violentes. Vraiment le couchant est un artiste de mauvais goût ! Il répand l’or et la pourpre, accroche ce gros soleil et le contraste est trop frappant avec la masse noire du Mont. 

La lumière du couchant emplit tout le ciel, cisèle la forme de l’abbaye :

Les couleurs commencent à disparaître. Restent encore des violines et des roses qui se reflètent dans l’eau.

Les gens se tiennent sur le bord de la crête de schiste : à force d’attendre, ils font connaissance, se racontent leurs mascarets mémorables, ou simples touristes demandent à être rassurés. Elle viendra vraiment, la vague ?

La vague est  arrivée un peu avant la nuit. Elle faisait un petit bruit de moteur. Il fallait tendre l’oreille pour l’entendre. De loin, on a vu kayaks, paddles et canots emportés par le flot. Cela a duré une minute.

 Près de la côte, « la barre » n’a pas grondé. L’eau est montée sans bruit et tout à coup, on a constaté qu’elle était là  et qu’elle recouvrait presque les sables obscurcis par l’ombre.

Nous revenons dans la nuit. Tu m’as dit : « C’est comme au palio de Sienne. Des heures d’attente pour une minute de course. Bon ! je sais bien que l’attente, c’est ce qui donne au temps sa saveur.

– Pendant que tu attendais le retour de l’eau, est-ce que tu n’as pas regardé le départ du jour, la splendeur de la fin du jour sur la baie ? C’était ça aussi notre rendez-vous avec la grande marée.

4 réflexions sur “La grande marée au Mont-Saint-Michel

  1. C’est vrai. De là où nous nous tenions la vague était trop loin. il aurait fallu un bon téléobjectif que je n’avais pas. J’ai souvenir d’un bruit sauvage, violent depuis le Mont-saint-Michel où la vague venait battre la rive du fleuve presque au pied de l’île. C’était il y a quatre ou cinq ans.
    Ps. Pour les photos, je n’y suis pas pour grand chose. L’artiste, c’était le soleil

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  2. Sonia, c’est toujours un vrai plaisir de se promener avec vous.
    Après l’exposition Altdorfer du Louvre et la très intéressante évocation du mage noir dans la peinture, ce sont les lumières de la baie qui viennent maintenant illuminer notre confinement.
    Avec vos belles photos nous sommes emportés dans un grand espace liquide où les couleurs du ciel, de l’eau se diluent entre elles dans un échange permanent de reflets.
    Ce qui fait toute la magie de la baie c’est peut-être ce paysage instable de glissements colorés où la Merveille semble flotter.

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  3. Oui c’est cela : des vibrations lumineuses se propagent dans l’atmosphère et créent ces échanges entre l’eau et le ciel… En même temps, la baie est organisée par le jeu des des méandres et des courants latéraux (lignes mouvantes mais aussi nettes que dans un dessin chinois).

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