Carte blanche au musée Guimet (jusqu’au 6 juin 2022)
Living Inside
Des milliers de cordelettes rouges tombent d’un chapiteau et forment un rideau qui tient le spectateur à l’extérieur d’un espace aménagé sur une estrade circulaire. Entre les fils, on voit une accumulation de modèles réduits de meubles, sur lesquels sont posés les petits objets du quotidien, théières assiettes, téléviseur miniaturisés, tous ligotés et reliés les uns aux autres..

L’artiste japonaise a expliqué qu’elle évoquait ainsi le cocon du confinement. Son prisonnier (sa prisonnière plutôt, car l’univers représenté est plutôt féminin) est captive d’un espace domestique saturé de modèles réduits de meubles, sur lesquels sont posées les petits objets du quotidien, théières, assiettes, téléviseur.
Laissons de côté les reproches d’une évocation d’un monde privilégié. Bien sûr, ceux qui se sont entassés à cinq dans 30 mètres carrés et ceux qui n’ont pas pu se confiner parce qu’ils travaillaient dans des supermarchés ou des hôpitaux, ou qui s’épuisaient à constater qu’ils n’avaient pas une minute à consacrer aux vieux des EHPAD confiés à leurs soins… trouvent que c’est là l’image d’un confinement de luxe.
Cependant, comme si la plasticienne se confondait avec un spécialiste de la micro-sociologie de l’enfermement, elle nous parle de ce que le covid a fait à beaucoup de vies urbaines.
A la différence du discours des sciences humaines cependant, le message est ambigu. Exil, ou bien repli ? Le mur de cordes est l’image d’une séparation douloureuse pour ceux qui étaient en train de tisser les fils d’amour et d’amitié que la crise a cruellement rompus ; cependant le mur a tracé un cercle protecteur autour d’un sanctuaire plein d’objets prêts à servir des recluses heureuses d’être protégées des tensions de la vie. Le chaos du monde reste à l’extérieur. Le virus n’entre pas dans cette bulle qui rappelle le temps où, petites filles, elles jouaient à la dînette cachées sous la nappe de la table de la salle à manger.
C’est au regardeur d’achever ce que la plasticienne commence et de trouver en lui le sens des images. Je ne dois pas être la seule que l’accumulation d’objets dans un espace sans présence humaine met mal à l’aise. Quels liens pourront encore se tisser si la théière ne sert plus à préparer le thé pour le visiteur ?
Deux robes d’enfant
Ailleurs dans le musée, deux robes d’enfants sont emprisonnées dans une cage couverte d’une sorte de grande toile d’araignée faite de fils noirs entrelacés. Est-ce le passage au noir et blanc qui en fait une image du temps … ou bien la lumière, mélange d’ombre et de blancheur qui ne laisse apercevoir que des images voilées ?
C’est pour moi un rêve du passé où je sais que ce que je vois n’est qu’un cauchemar. Les vrais enfants ont été mangés par le temps. Des sœurs. La grande et la petite qui s’ennuyaient devant le jardin. On leur avait dit de rester tranquilles pour ne pas salir leurs robes. Le temps les a dévorées. Ou bien l’araignée qui les a vidées de leur substance ne laissant qu’une enveloppe translucide.

Selon l’humeur, l’image tisse des liens avec des souvenirs oubliés, restitue une vérité perdue, ou fait durement éprouver la perte d’enfants dont la vie a été détruite.
Les fils rouges du confinement m ont parlé. Pas du tout aimé les robes enfermées. Angoissantes !
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