Les touristes « font » la Corse. Ils visitent les « quinze lieux incontournables » de l’île et reviennent avec des photos « époustouflantes » et des descriptions de villes « au charme fou ». Nous aussi bien sûr, nous allons à Scandola, aux îles Lavezzi ou aux calanques de Piana. Mais nous aimons aussi découvrir des lieux demeurés à l’écart de la touristification, rencontrer des personnages de roman, prendre le temps de voir ce que nous voyons se transformer en féérie sous la lumière.
Démarcations tranchées et zones périphétiques
Les frontières des villes de la côté sont imprécises. Que sont donc les longues étendues des zones « péri-urbaines », ces endroits qui peu à peu deviennent la vraie ville, mais qui en attendant sont un espace indéfini entre la route et le centre, à la fois parking géant, et lieu offrant les services essentiels ?

Les limites des villages de l’intérieur sont nettes. Il n’est pas besoin de remparts pour marquer la démarcation entre Cervione et la montagne. L’arrondi parfait du village qui épouse les courbes de la colline n’a pas changé depuis des décennies.

Les rues étroites
Pas de longue promenade car nous sommes venus avec une amie récemment opérée. Elle s’installe pour nous attendre à la terrasse d’un café de la rue principale, A Traversa. De là, elle sera comme sur un balcon au-dessus de la plaine, même si aujourd’hui les îles d’Elbe et de Montecristo sont invisibles (on ne les voit bien que le matin ou après la pluie !).
Nous faisons quand même un petit tour à l’église baroque, ex-cathédrale Saint-Erasme, admirant l’envol de deux anges baroques, souriant du luxe avec lequel on a habillé un poupon figurant l’enfant Jésus ; je vois surtout ses belles manchettes brodées et je me demande quelle vieille femme pieuse lave et repasse ce vêtement.



Nous ressortons. Les maisons sont hautes et sévères. Rares sont les fenêtres où sèche du linge. Beaucoup de volets sont fermés. Qui habite encore au village, faisant le trajet dans la plaine pour la moindre course jusqu’au Géant ou chez Leclerc ? Les rues ne sont jamais droites et plus la lumière est intense plus les ombres y sont violentes. Je marche dans un film d’Antonioni.


Les Corses ne sont pas rancuniers qui commémorent l’éphémère royauté de Théodore de Neuhoff, sans lien avec la Corse, sans fortune et sans troupes, qui sera couronné roi de corse en avril 1736 sur la promesse de débarrasser l’île de la tutelle génoise. Son aventure, qui durera 8 mois rappelle celle du héros de Kipling, bien qu’elle s’achève de façon moins tragique dans une prison pour dette
Voce Nustrale
Un peu plus loin dans la cour du musée ethnographique que nous ne visiterons pas pour ne pas laisser notre amie seule trop longtemps, nous rencontrons l’animatrice de Voce Nustrale qui diffuse des émissions en langue corse. Elle nous accueille, offre des auto-collants, promet de dédicacer des chansons si nous l’appelons. Quelle énergie pour faire vivre et comprendre l’intérêt de la langue corse !
Nous revenons au café boire une bière à l’ombre d’un parasol. A côté de nous, un vieux esseulé laisse l’après-midi passer entre nonchalance et mélancolie noire.
Le temps de mai est d’un bleu céleste. A mi-pente sur la colline d’en face, on voit une demeure, sans doute bâtie par un capitaine qui avait fait fortune en Amérique, qui aimait les forêts et qui voulait vieillir dans le silence des grands châtaigniers, en ne s’occupant que de ses rêves.

Il y a du monde sous les parasols. Les gens sont comme partout très inquiets à cause des rumeurs de guerre généralisée, plus encore à cause de l’inflation déjà bien palpable, mais pour quelques heures, ils s’occupent à regarder l’étonnante rapidité des vols d’hirondelles. Rares dans les villes de la côte, les hirondelles reviennent chaque année nicher sous les vieux toits de Cervione et leurs cris aigus sont l’essence même de la joie de mai, malgré tout.
Merci pour le dépaysement
J’aimeJ’aime
http://netsdevoyages.car.blog/2018/11/27/la-corse-de-guy-de-maupassant-presente-par-jean-dominique-poli/
Je fais de l ordre dans les piles de livres. C est un joli livre mais je me ferai un plaisir de te l offrir si tu ne l à pas déjà
Cela t intéressé?
J’aimeJ’aime
Je connais seulement quelques pages de ces articles de Maupassant (celles que tout le monde cite), alors c’est avec grand plaisir, si tu ne regrettes pas de te défaire du livre. C’est vrai que les pages d’un grand écrivain prolongent le plaisir des promenades.
J’aimeJ’aime
Si je te l ai proposé ce la me fait plaisir
J’aimeJ’aime
Avec le printemps ce sont bien les cris d’oiseaux, hirondelles martinets, qui font la matière vivante du jour en résonance avec la lumière.
A eux seuls ils cristallisent tout le bonheur d’une nouvelle belle saison retrouvée.
Alors j’imagine la douceur du printemps corse…
J’aimeJ’aime
oui, ce lien que je n’arrive pas à écrire entre ce que j’entends (ces cris si perçants, vraiment ils percent le ciel…) et ce que je vois (leur vol rapide dans l’espace lumineux trace des lignes brisées)
J’aimeJ’aime
Ces cris perçants et ce vol en flèches brisées sont bien caractéristiques des martinets .
» Il n’est pas d’yeux pour le tenir. Il crie, c’est toute sa présence.
R.Char, le Martinet dans Fureur et Mystère.
J’aimeJ’aime