Côte Ouest : Belle-Île, Avranches, Chausey

Belle-Ile

Belle-Ile, qui vit largement du tourisme, est protégée de la laideur par son insularité et par le coût prohibitif des traversées en voiture.

Concession aux visiteurs, les beaux feux d’artifice, tirés près des ports, les petits orchestres de musique bretonne (l’île a toujours parlé gallo, mais s’invente un passé celtique), les fêtes à la sardine et, pour notre bonheur, le festival Belle-Île en mer, où se mêlent insulaires et visiteurs.

D’un côté la terre se heurte à la haute mer, d’où les à pics, les rochers déchiquetés. De l’autre, les ruisseaux ont creusé des criques, des baies. Des canards vivent dans les roselières.

On se baigne dans une eau à 15 degrés qui saisit le corps quand on y entre et puis on s’aide d’un peu d’Eluard « un peu de soleil dans l’eau froide » et on s’étonne de se sentir euphorique à la sortie.

L’intérieur de l’île existe vraiment. Il y a encore des paysans pour cultiver des champs de blés, des carrés de choux, du maïs et le soir, on rencontre des faisans qui viennent glaner. Mais parfois le long des sentiers douaniers, on se retrouve au milieu de grands bosquets d’hortensias et on s’aperçoit que les cultures ont reculé.

Sur la lande, la promeneuse est habillée en rouge. « Il n’y a que l’été, n’est-ce pas, où on peut s’habiller entièrement en rouge ! » dit une Parisienne.

Autour c’est une harmonie de fleurs roses, mauves, violettes et l’incendie du jaune des ajoncs.

Avranches

La ville se dispense d’inventer des plaisirs pour les touristes captés par le Mont Saint-Michel. (passagedutemps.com/2020/07/12/mont-saint-michel-quelques-images/). Ceux qui sont en vacances viennent souvent de Rennes. Ils fêtent un anniversaire, entretiennent la maison de leur mère vieillissante et n’ont pas besoin qu’on les occupe. Cela ne les empêche pas d’admirer leur mont et de se retrouver parfois sur les rochers de la pointe du Groin ou sur la plage du Bec d’Andaine pour admirer le coucher du soleil sur la baie.

Peut-être est-ce parce que les habitants ne se sentent pas submergés que les rapports sont moins rugueux qu’ailleurs. A Avranches, on s’arrête dès qu’un piéton fait mine de traverser ; on se dit « bonjour » quand on se promène ; on se pousse gentiment quand quelqu’un veut prendre une photo dans un « spot » signalé dans les guides.

L’archipel des îles Chausey

Aux îles Chausey, dans la Manche, le tourisme est-il encore « gérable » ? Au mois d’août, Grande-Ile (12 km de longueur ; 5 de largeur)  absorbe chaque jour jusqu’à deux mille personnes, attirées par les plus grandes marées d’Europe (14 mètres d’amplitude). La mer découvre 365 îlots à marée basse, puis les recouvre et il n’en reste 52. Les prospectus promettent une nature « sauvage », un petit royaume de pierre et de mer accessible à I5 kilomètres au large de Grandville.

L’intérieur qui appartient à trois familles est privatisé. Où mettre les visiteurs ? Les propriétaires leur laissent le bord de l’eau, les plages de Port-Marie, du Homard, et de la Grande-Grève. « Tout ce qu’on voudrait, c’est conserver un peu de tranquillité, pleurent ceux qui demandent des quotas. – ça dure peu, répondent les autres. Le 20 août, la déferlante est finie. Et il y a 200 emplois à la clé. »

De fait, ce 19 août, les plages ne sont pas envahies et les gens cheminent à la queue-leu-leu seulement vers l’embarcadère.

De quoi vivait-on avant le tourisme ? Au 18e siècle, l’abbé Nolin avait mis l’archipel en culture et en échange de ses efforts en avait obtenu la concession. De cette activité, il ne reste que des friches, du moins dans la partie accessible.

Lorsque l’abbé mourut, ses héritiers vendirent Chausey au fils de l’aubergiste. Régnier a son tour fit construire une ferme, une étable, une boulangerie et une chapelle. L’amplitude des marées lui permit d’exploiter le varech d’où l’on extrait de la soude utilisée par les artisans verriers normands jusqu’à ce que les chimistes inventent de quoi remplacer le travail des moissonneuses de varech), (https://ileschausey.com/sci-des-iles-chausey/origine/).

Schuffenecker_Les_Ramasseuses_de_varech.jpg ‎( MIME type: image/jpeg) 1889, Wikimedia

Louis-Jean-Christophe Régnier relança aussi l’exploitation des pierres de granit bleu-gris, si belles, et qui coûtaient moins à faire venir par bateau à Saint-Malo puis à Paris qu’à transporter par route depuis la Bretagne continentale. (On a oublié l’état déplorable de la voirie, jusqu’à récemment). Il y a eu jusqu’à 500 carriers dans Grande-Ile.

Des difficultés financières amenèrent un changement de propriétaire. Ce dernier, un des principaux négociants de Granville fit ériger de gros bâtiments : phare, fort, presbytère, grande cale. En 1860, l’Etat souhaitant construire un nouveau fort expropria une parcelle faute d’accord financier.

Au début du 20e siècle, Chausey était aux mains d’une Société Civile Immobilière composée de trois familles. En 1921,  Louis Renault acquit des parts que ses héritiers revendirent dans les années 70. Quatre générations plus tard, trois familles se répartissent le capital de la société et possèdent aussi une vingtaine de maisons louées à des résidents secondaires ou à des pêcheurs. Aujourd’hui, l’archipel vit de la pêche, notamment de la vente des homards, mais surtout du tourisme. Même si les résidents déplorent les nuisances du sur-tourisme, ils s’en accommodent comme ailleurs. Ils en dépendent et ils se contentent d’un peu de morale lors de la traversée sur les vedettes Jolie France : « Ramassez vos déchets, restez sur les sentiers… ». Les plus agacés sont sans doute les locataires en villégiature qui croyaient avoir payé au prix fort le droit à la solitude.

La pêche à pied

Les familles avancent lentement, chargées d’énormes poucettes et de glacières. Elles s’installent sur le sable doux. C’est marée basse. Où donc est partie la mer ? Tout autour de nous les champs d’algues qui vont du jaune doré au brun noir. « Mon père faisait de la pêche à pied. Je crois surtout qu’il échappait ainsi à nos cris d’enfants ».

Les enfants partent explorer les fentes des rochers à découvert pour y chercher des crustacés, ramassent des bigorneaux, bâtissent un palais humide aux crabes, le décorent de varechs.

Moi qui ai passé mes étés dans le golfe de Porto Vecchio où rien ne change pendant l’été, ni la mer, ni le ciel, me voici fascinée par la marée. Je contemple les rochers et les algues laissés sur la grève qui seront cachés dans quelques heures. Des ruisselets s’écoulent vers le large où la mer s’est retirée ; des crevettes s’agitent dans les flaques ; des yeux observent dans les fentes des rochers ; des vies minuscules qui n’ont pas été aspirées par les vagues attendent la remontée des eaux.

Bientôt la vague du fond de la baie reviendra frangée d’écume, puis une nouvelle vague la recouvrira qui s’approchera un peu, puis la suivante. Le grand champ d’algues sera englouti, puis le cycle recommencera.

https://www.ouest-france.fr/tourisme/sur-les-iles-chausey-faut-il-reguler-le-flux-de-passagers-lete-8aa3741c-378d-11ee-a9e9-8ba2277a57c4

https://ileschausey.com/sci-des-iles-chausey/origine/

Wikimedia, Schuffenecker_Les_Ramasseuses_de_varech.jpg ‎( MIME type: image/jpeg) 1889,

2 réflexions sur “Côte Ouest : Belle-Île, Avranches, Chausey

  1. Nous ne sommes pas allés au Mont-Saint-Michel au mois d’août, mais puisque j’ai la chance d’avoir de la famille en Normandie, je l’ai visité à plusieurs reprises au temps du covid et en hiver, donc avec peu de monde.

    Ma visite au scriptorium a été trop rapide, mais il faut dire que j’ai travaillé à la Bibliothèque Nationale quand j’étais étudiante et j’ai pu tourner les pages de manuscrits enluminés. Quelle émotion ! Certaines peintures étaient éblouissantes.

    On peut faire des visites virtuelles, à présent. Je n’ai pas essayé, mais je crois que les résultats technologiques sont excellents !

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