La zone périphérique de Porto-Vecchio

L’Eucalyptus de Trinité

Sans lui, La Trinité serait un village quelconque, dont la quiétude est de surcroît gâchée par le passage incessant des voitures et des camions sur l’ancienne N 198 (rebaptisée route territoriale 10 par les élus indépendantistes).

Mais quand on arrive, on ne voit que lui. Au sommet, il a 34 mètres d’envergure et son parfum embaume tout ce coin du hameau.

L’Eucalyptus de Trinité de Porto-Vecchio

Le village en est fier et on emmène parfois les enfants des écoles pour leur montrer qu’il faut 14 paires de bras pour embrasser son tronc qui atteint presque 8 mètres de diamètre à la base. Pourtant, l’arbre ne peut pas être très vieux puisque les eucalyptus ont été importés d’Australie pour lutter contre les moustiques dans la 2ème partie du 19e siècle. Visiblement le climat corse leur convient.

L’eucalyptus de La Trinité est d’autant plus beau qu’il est isolé. Il a bien un frère qui essaie de pousser de l’autre côté de la route, mais il ne saurait rivaliser avec lui. Comme il n’a pas de concurrent, sa couronne s’étale de façon harmonieuse. Certes, son tronc est bosselé et son écorce part en lambeaux, mais les arbres vivent très bien ainsi.

A part l’arbre-monument, le hameau n’offre rien de remarquable, vraiment ! A moins de se lancer dans une étude de géographie urbaine.

L’image du bonheur : maison, jardinet, piscine privée

Dans la montée du haut du village, la couche la plus ancienne est celle des habitations construites en blocs de granite. De l’autre côté de la route, il y avait dès les années 70 des villas avec terrasses, mais rien qui annonçait encore l’évolution à venir :

les chênes lièges poussaient partout. Les potagers entouraient les maisons ; les ânes commençaient à braire dès le matin. Quelqu’un, quelque part frappait sur un objet métallique.  C’étaient les bruits familiers d’un village.

La Trinité est à présent un quartier de Porto-Vecchio. La ville s’étend de façon quasi ininterrompue, même si des bouts de campagne persistent entre les parcelles loties.

Mais pourquoi la Corse aurait-elle échappé au mouvement de fond qui a touché la France entière ? Pourquoi serait-elle seule demeurée figée dans un passé datant de la période où les bourgs de la Méditerranée se serraient sur les collines d’où l’on pouvait surveiller l’arrivée des pirates barbaresques ?

Lotissement. Route de Cala Rossa

Comme tous les Français, les Corses d’aujourd’hui plébiscitent le modèle de la maison individuelle, avec jardin et piscine. Le bonheur, c’est de vivre chez soi, de recevoir des amis du même milieu et de se retrouver autour d’un barbecue en surveillant les enfants qui sautent dans une eau préservée  des méduses, du danger des vagues et des mauvaises fréquentations. Et puis la mer est salée. On y flotte, certes, mais elle pique les yeux. Et le sable ! Il colle à la peau et on en met partout au retour de la plage. La villa-jardin-piscine, c’est parfait. Le jardin n’est pas trop grand, ce qui en limite l’entretien. On peut même mettre du gazon artificiel et se contenter d’une haie de lauriers roses suffisante pour se sentir à la campagne dans le parfum des fleurs. Seuls les vieux restent en ville et les immigrés dans les HLM. Dès qu’on appartient aux couches moyennes, on cède au rêve pavillonnaire.

Bien sûr, on construit aussi pour les touristes qui, dès qu’ils ont assez d’argent, ne se contentent plus d’une caravane ou d’une tente. Même les mobil-homes serrés les uns contre les autres séduisent moins.

Avec des maisons éparpillées, il est impossible de vivre sans voiture. La route territoriale 10, où la vitesse est ralentie grâce aux ronds-points, dessert des zones commerciales qui s’étalent dans la plaine. Comme il est facile de stationner, on fait ses courses au Leclerc, au Géant Casino, à Utile. L’offre commerciale des galeries marchandes est complétée par des enseignes franchisées, magasins de sports ou de vêtements comme Pimkie et Mango.

Le Grand Chariot

Les magazines, la télévision, les influenceurs ont enseigné aux Corses, comme à tout le monde, l’art d’arranger son intérieur. Quand ils sont assez riches, les consommateurs vont à Roche et Bobois, mais des chaînes dédiées à la surconsommation de masse se sont installées… La célèbre Foir’fouille est là, ainsi que Gifi pour satisfaire les personnes plus modestes. On va faire un tour en famille chez Gifi comme on va en promenade :

La zone vit des touristes et ceux-ci limitent la préparation des repas. (« On ne vient quand même pas en vacances pour faire la cuisine ! »). Vendeurs de pizzas, de sandwichs,  de poulets rôtis prospèrent le long des routes. A condition de disposer d’un emplacement où se garer, l’entreprise est immédiatement rentable !

Franky

Comme ces artisans vendent des produits chers, les burgers industriels s’installent à leur tour.

Non ! Ce n’est pas la faute des Corses si le royaume s’est restreint. Pour croire à sa beauté, il faut regarder le roi des eucalyptus, ou bien, au loin, là où la terre s’achève, la bande bleue de la mer qui s’inscrit entre les toits.

Bibliographie :

https://lestetardsarboricoles.fr/wordpress/tag/corse/

4 réflexions sur “La zone périphérique de Porto-Vecchio

  1. Le rêve pavillonnaire est bien partagé ! Tant pis pour les chênes-liège et les ânes Foirefouille et Gifi de Lille à Bonifacio peut être Intersport et Leroi Merlin? Bientôt il sera inutile de voyager pour voir toujours la même chose.

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    • Ce n’est pas seulement « tant pis pour les chênes ». On voit bien maintenant que le rêve tourne au cauchemar… 2 voitures par couple ; les coeurs de villes délaissés; la terre agricole mitée, les inondations en cas de gros orages, etc…

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  2. Les zones commerciales s’étendent partout les mêmes mais il faut se rendre à l’évidence, le souci de la beauté des lieux, des paysages n’est pas partagé par le plus grand nombre.
    Avec le développement de la consommation et du tourisme de masse, difficile de tenir un discours de renoncement ( nous profitons tous un peu du système…)

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    • Dès qu’on sort de Paris, c’est partout pareil : étalement urbain, mort des centres-villes, développement de zones commerciales… Je ne connais personne qui s’en passe. Même les « ermites » qui vivent un peu à l’écart dans les forêts viennent remplir réfrigérateur et congélateur dans les hypermarchés. C’est comme les téléphones portables. On ne s’en passe plus !

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