La rue Crémieux : entre douceur bobo et tourisme de masse

Située à proximité de la gare de Lyon, la rue Crémieux est une rue piétonne qui figure dans tous les guides sur « les rues insolites de Paris ». Cette rue, c’est 144 mètres de modestes pavillons de deux étages aux façades colorées.

Tout l’effet tient dans l’unité des façades alliée à la variété et la vivacité des couleurs, rose et vert, jaune vif et bleu, turquoise, orange comme dans certains quartiers de Londres ou de Recife… (cette rénovation colorée date de 1993 quand la mairie de Paris a échangé la piétonisation de la rue contre la peinture des façades).

Arpenter la rue Crémieux, smartphone à la main

Des détails minuscules introduisent un peu d’individuel dans cet espace collectif : au numéro 18, un lézard dort sur le mur. Au 28, un chat bondit sur des oiseaux envolés à temps. Le long du trottoir, il y a de gros pots de fleurs où pousse une végétation méditerranéenne exubérante. Même les pavés, au lieu du bitume ajoutent à l’aspect champêtre du lieu.  Le charme de l’endroit tient aussi à sa proximité avec un des quartiers les plus agités et encombrés de Paris et au miracle qui a permis aux riverains d’interdire la circulation dans leur rue.

Rue Crémieux, pin, olivier, bananier et un lézard sur le mur
Rue Crémieux, pin, olivier, bananier et un lézard sur le mur
Le Chat et les oiseaux. 28 rue Crémieux

Un coin du Paris pauvre du début du siècle s’est transformé en un lieu bien entretenu par une population qui a du goût et qui soigne l’espace intermédiaire prolongeant son logement comme si c’était un espace privé ! Une jeune femme a sorti sa chaise longue sur la chaussée pour lire au soleil.

La Jeune femme à la chaise longue

Malheureusement la rue Crémieux figure sur les guides touristiques et, depuis 2016, des internautes l’envahissent pour y tourner des clips et y prendre des photos (ce que nous sommes en train de faire). Nous croisons des promeneurs armés de caméras  ou d’appareils, les uns se bornant à parcourir la rue, les autres se dandinant et prenant la pose devant l’appareil.

On joue à « Si j’habitais rue Crémieux »

Les riverains en ont vite eu assez de vivre les weekends dans une rue grouillante de gens qui s’agitent, s’interpellent, s’installent sur leurs perrons. Ils essaient depuis 2016 de se débarrasser de leurs visiteurs trop nombreux. Ils ont créé un hashtag  pour les ridiculiser. (hashtag #ruecremieux) où ils postent les photos et les vidéos les plus saugrenues :

Un habitant a déroulé un ruban de travaux autour de sa façade, accroché un écriteau pour interdire qu’on approche de son pas-de-porte et pour menacer d’amende qui poste des photos de sa maison sur Instagramm. Parallèlement, les riverains demandent à la mairie le droit de s’enfermer en soirée et pendant le week-end.

A leur place, je déplorerais aussi la situation et pourtant ils m’agacent un peu car leur « problème » se pose un peu partout dans les endroits touristiques de Paris. Pourquoi faut-il considérer qu’il est plus exaspérant d’endurer les gens qui viennent tourner des clips dans leur rue coquette que de supporter les banlieusards aux Champs-Elysées, les cafés bruyants à Bastille et les voitures partout ? Plus généralement, qu’ont à répondre ces  privilégiés à ceux qui protestent que « la rue est à tout le monde ! »  Pour moi, je me réjouis avec eux que la municipalité ait créé ce charmant espace piéton si bien aménagé, mais je suis troublée qu’ils veuillent en chasser la plèbe, d’autant que leur décor provient, poétisé et nettoyé, du Paris des ouvriers expulsés du centre-ville.

4 réflexions sur “La rue Crémieux : entre douceur bobo et tourisme de masse

  1. Je connais bien cette jolie rue pour y être passée souvent en allant travailler. Certes les riverains n’en peuvent plus. Mais si Paris était mieux entretenu avec un plus grand nombre d’endroits de la sorte les badauds seraient moins insupportables non?
    Je t’embrasse
    Marie

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    • Bonjour Marie,

      Tu as bien sûr raison (pour cette rue dont le charme tient essentiellement à une rénovation réussie et à l’absence de circulation)… Évidemment, le problème se pose différemment pour les « lieux à voir absolument avant de mourir ». Impossible d’imaginer des milliards de touristes sur la place Saint-Marc, dans les rizières de Sapa, ou dans l’abbaye du Mont Saint-Michel !

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