Les cachous

Une boite de Cachous

Ma grand-mère, quand elle venait me dire bonsoir, me donnait un bout de réglisse pour me donner le courage d’affronter la nuit glaciale de la Lorraine où l’on m’avait envoyée pour me guérir de mes bronchites permanentes.

Cet hiver là, il faisait -17°. Seule la cuisine de son appartement, où nous passions la soirée, quand je revenais de l’école, était chauffée. Au moment du coucher, ma grand-mère ouvrait grand la fenêtre de ma chambre, pour faire entrer « le bon air des Vosges ». De fait, l’air sec ne m’a pas rendue malade.

Mais j’avais froid dans le lit, malgré la triple épaisseur de lourds édredons. (« Trois comme les princesses, disait ma grand-mère »), froid tous les soirs malgré la bouillotte que je poussais centimètre après centimètre pour réchauffer mes pieds gelés, jusqu’à pouvoir enfin m’étendre sur le matelas.

Et il fallait apprivoiser la séparation jusqu’au matin. Quand elle refermait la porte et que j’étais plongée dans des ténèbres chargées d’ombres, le goût puissant de réglisse restait dans ma bouche longtemps comme un remède contre l’angoisse de l’abandon et l’inconfort de la chambre.

Plus tard, l’épicier du coin vendait des lacets de réglisse que j’ai essayés sans retrouver le goût puissant des bonbons de ma grand-mère.

Enfin, les Cachous Lajaunie qu’une publicité efficace venait de mettre à la mode sont arrivés dans notre supermarché. Je devais avoir une quarantaine d’années. Ce ne fut pas seulement le plaisir du goût retrouvé, ce fut un fil qui me reliait à l’ombre de ma grand-mère, aux nuits d’hiver où elle voulait me consoler d’être loin de ma famille (ce qui était plus difficile le soir, elle le savait bien).

Les Cachou Lajaunies qui ont permis ces retrouvailles avec le passé englouti de l’hiver vosgien ont brusquement disparu. J’ai acheté les derniers cet été, oubliés dans un magasin.

Le lent déclin des petits commerces

Je retrouve le quartier, les commerçants qui montrent que je suis une cliente qu’ils ont plaisir à voir, mais petit à petit, inexorablement, les commerces de proximité ferment. « Le petit » épicier arabe qui m’a parfois dépanné le soir a perdu sans doute la lutte contre le supermarché depuis que les caisses automatiques permettent de l’ouvrir toute la nuit.

Paris où l’on fait tranquillement ses courses à pied, me semblait un peu protégé de la concurrence des zones commerciales, mais internet et les livreurs à domicile sont redoutables. Le magasin d’articles de sport dont la vitrine est murée depuis plus d’un an peine à trouver un repreneur.

Ancienne vitrine d’Intersport

C’est fini aussi pour le traiteur qui faisait des plats délicieux, m’avait dit une amie !

Rue du Rendez-vous

En face, le magasin de jouets d’enfants en bois est vide, comme sont vides les boutiques de prêt à porter qui vendent forcément beaucoup plus cher que les marques chinoises.

2 réflexions sur “Les cachous

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