Où ai-je lu que la Costa Brava n’était qu’un endroit de bronzage pour l’Europe du Nord ?

Dans la région de Palafrugell, il y a des criques merveilleuses, entourées de promontoires boisés, des villages de l’intérieur dont la forme est presque intouchée,  des centres-villes pour lesquels le temps s’est arrêté aux années 30.

La côte depuis le phare de Sant Sebastià

Bien sûr, le bonheur tient surtout à l’accueil d’amis, intercesseurs magnifiques avec le pays catalan. Leur maison de Palafrugell est une maison d’ombre dont tous les volets sont fermés à cause de la chaleur. J’avançais droit sans voir où je mettais les pieds. Peu à peu je distinguais de grosses armoires, puis le commutateur. J’entendais le ronron des ventilateurs. Après la chaleur de la rue, il faisait bon….

Pendant cette semaine, nous avons appris la sieste qui permet d’éviter les heures trop chaudes

Avec les amis, nous sommes allés de crique en crique, nager deux fois par jour. Notre plage principale, c’était Llafran ceinturée par deux promontoires qui empêchent les constructions nouvelles. Un hôtel, dont la gloire est un peu passée, est toujours là. Il accueillait des vedettes américaines, des toreros, des danseuses de flamenco. Quand on entre dans le Rambo, on voit les photos de Sofia Loren, Kirk Douglas, Elizabeth Taylor mais aussi Paco de Lucía, Joan Manuel Serrat ou Lola Flores … L’hôtel était dirigé par un personnage hors du commun qu’une grande danseuse de flamenco avait baptisé le Gitan de la Costa Brava. A sa mort, son neveu devint Rambo, organisateur de fêtes improbables, qui ouvrait les bouteilles à la machette et mélangeait dans de grands saladiers tout ce qui était alcoolisé. Sur un mur du bar une photo du « gitan » avec Dali… Evidemment, le vrai n’est pas celui qu’on pense.

Nous avons visité des criques minuscules atteignables à pied par le sentier de douanier le mieux entretenu que j’aie jamais rencontré.  Quelques maisons et des kayaks multicolores. Ce serait le paradis, s’il n’y avait pas un défilé de visiteurs.

S’Alguer au bout du chemin de ronde

Vendredi, la sardane commence vers 20h sur la Place Nova de Palafrugell. La foule s’est installée sous les parasols des bistrots pour prendre un verre ou manger, tout en attendant l’orchestre. On a le choix entre le Centre Fraternal, Candela, Ôcre Bar (drôle de nom) !), Munic. Le Fraternal, construit en 1878, est le préféré : c’était le café des travailleurs de l’industrie du liège (le plus grand fournisseur d’emploi de la ville) où s’était organisée une société à but non lucratif. Au premier étage, les adhérents ont toujours accès à un billard, un piano, une bibliothèque-salle de réunions, (je dois dire qu’il n’y avait personne). En bas, une belle salle avec des centaines de caricatures des personnes de la ville. Beaucoup de gens passent prendre un verre.

Les industriels et les notables se retrouvaient à côté dans un cercle chic… qui a périclité. Juste revanche !

Pendant qu’on mange de petits calamars, des seiches, des artichauts frits au jambon, les musiciens se mettent à jouer Tout commence par les appels du flabiol, sorte de piccolo, puissant et aigre. Bientôt un orchestre à vent et une contrebasse le rejoignent. La sardane a l’air simple : les danseurs se mettent en cercle et se tiennent par la main. Deux pas courts puis deux pas longs, des courts à nouveau et, ça y est, je suis perdue. Je n’ai vraiment pas le sens du rythme et je ne me risque pas à entrer dans la danse ! On m’explique que la sardane est un symbole de la culture catalane que Franco a été tenté d’interdire. Le clergé a fait entendre au dictateur que les gens la dansaient en sortant de l’église. Pas de sardane, moins de fidèles à la messe… et la sardane a été sauvée.

Aujourd’hui, si elle constitue une affirmation catalane, elle n’empêche pas les danseurs du vendredi d’accueillir les touristes compétents. « La Catalogne veut-elle encore son indépendance ? » Il y a des drapeaux catalans aux fenêtres (à côté de drapeaux palestiniens, d’ailleurs). Le Brexit a fait réfléchir : combien de temps faudrait-il pour qu’une Catalogne indépendante puisse intégrer l’Europe ? Les exportations baisseraient, des entreprises partiraient pour accéder facilement au marché unique… Il me semble que l’indépendance est remise à plus tard.

Je parlerai dans mon prochain billet des passionnants musées du liège et de la sculpture, mais pas pour le moment de Josep Pla (1897-1981), le grand écrivain de la ville dont je n’ai encore rien lu. Lettré, contemplatif, antirépublicain dénoncé par la gauche, mais amoureux du catalan et pour ce, stigmatisé par les franquistes, il se plaisait dans la compagnie des pêcheurs. J. dit qu’il a désembourgeoisé le catalan.

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