Rue de Rome. La musique à Paris

Répétitiondu choeur Hugues Reiner pour le Requiem de Mozart. Derniers conseils

Deux mesures pour rien

« Attention, dit le chef, je compterai deux mesures pour rien. Le temps que tout se taise avant d’attaquer le Lacrymosa ».

Non ! C’est ridicule de dire deux mesures pour rien. Ces mesures, ce n’est pas un temps vide.  C’est un temps suspendu. Votre voix s’y anticipe.  Elles sont pleines de musique.

Ecoutez l’orchestre que vous allez prolonger et respirez ensemble. Le public doit respirer avec vous…

Mozart n’a pas écrit des notes

Vous savez que Mozart est mort avant d’achever son Lacrymosa. Sa dernière note c’est ce 4e la un peu haut pour vous. Il vaut mieux le crier ce la. Vous serez toujours plus justes qu’avec une note juste. Ne cachez pas le hurlement qui guette au fond de la musique de Mozart. Ne cachez pas la souffrance ; elle doit déchirer les auditeurs »

C’est aussi pour ces commentaires qu’on vient chanter dans le choeur de Reiner.

Un chœur amateur éprouve sans doute la métamorphose de l’interprétation davantage qu’un chœur professionnel Un bon chef le mène à ce moment où les notes sont devenues une ligne, où la ligne rejoint le fond de ses sentiments. Les quatre pupitres ne sont plus juxtaposés. Ils consonent et le chef sourit enfin. La veille du concert, il rappelle le programme de la fin d’année : « Mercredi, venez avec Le Stabat Mater de Dvorak. On attaque les premiers mouvements. Le déchiffrage, c’est votre affaire… «  Bref ! Un passage par la rue de Rome s’impose.

Rue de Rome : le royaume de la musique

La portion de la rue de Rome qui va de Saint Lazare à la ligne 2 est le royaume des marchands de musique depuis l’époque où le conservatoire supérieur était encore rue de Madrid. Luthiers, facteurs d’instruments à vent et librairies musicales alternent.

Un luthier. Rue de Rome
Les Instruments à vent de chez Feeling

Mon but est la petite librairie Arioso au numéro 45. Je marque une pause sur le trottoir où des bacs sont remplis de partitions à deux sous. Il y a toujours un flâneur, un musicien à la recherche d’une opérette, une soprane qui veut élargir son répertoire.

L’Eventaire d’Arioso au 45 rue de Rome

J’entre. Au rez-de-chaussée, on circule entre des colonnes de partitions qui vont jusqu’au plafond ; je ne me suis pas encore aventurée au sous-sol, dédié, je crois, à la flûte.

Pas besoin de demander un petit prix. La vendeuse propose spontanément une occasion : « Regardez celle-ci. Elle est impeccable. A quoi vous servirait le prix du neuf ? »

Je tremble qu’Amazone à qui les éditeurs vendent sûrement leurs partitions avec un rabais ou que le projet IMSLP (International Music Score Library Project) qui offre les partitions libres de droits aient raison d’Arioso qui a survécu aux années covid (grâce à l’aide de l’Etat) …

Le plaisir de feuilleter, d’échanger quelques mots sur les mérites d’une édition, de découvrir, vaut mieux qu’un catalogue en ligne.

3 réflexions sur “Rue de Rome. La musique à Paris

    • Je vais lire ce roman. Merci Miriam. en t’écrivant, je me disais que la mondialisation et le commerce en ligne était en train de liquider une des propriétés précieuses de Paris, le lien des métiers et des rues. Quelques unes résistent encore !

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