Les mamies du quartier

Une amie a lu l’article « Vieux, vieillards, seniors, aînés, personnes âgées, papy boomers…. » . Elle m’écrit :

Une chose qui me fait réagir c’est la nomination Mamie pour les femmes âgées, qu’elles soient grand-mères ou pas. 
Sans doute un euphémisme pour éviter une vieille. Mais je lutte (comme Don Quichotte) parce qu’une mamie reste une femme. Pourquoi la catégoriser ?

Mamie n’apparaissait pas dans ma liste de 2020 parce que je m’occupais des désignants pour la vieillesse convenant aux deux sexes, ceux qu’on utilisait pendant la pandémie où il importait peu que l’individu malade soit un homme ou une femme.

En 2023, Mamie et papi (papy ?) sont les noms les plus fréquents donnés aux grands-parents. J’ai une amie que ses petits-enfants appellent cependant bonne-maman. L’amie me parle d’humour, mais n’est pas mécontente de cette marque de distinction. En tout cas, bonne-maman n’est guère pratiqué : « Tu as un nom de confitures », lui a dit un petit neveu quand il l’a rencontrée.

Grand-mère ou mère-grand, restent des appellations de contes « – Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents », s’étonne l’imprudent petit Chaperon Rouge en s’approchant de la gueule du loup pour voir de près ce qu’il en est. On sait qu’il (ou elle, selon la façon dont on accorde ?) y laissa la vie… Est-ce ce personnage d’aïeule si peu recommandable qui ôte toute envie de se servir de ce nom d’autrefois ?

Je ne croise guère de mémés et de pépés. Trop démodé. « Mémé, ça fait mémère, dit une autre copine. J’ai horreur de ça ».  « Mamie, c’est gentil, mais ça m’a fait un choc, confie pourtant une intéressée. En une minute, j’étais devenue une vieille mamie sans prénom. » De fait, mamie indique seulement la place de la personne dans l’ordre des générations ; c’est pourquoi l’entourage adulte l’utilise volontiers.

J’ai l’impression qu’il n’y a pas de terme prévu pour les arrières-grands-mères de plus en plus nombreuses. Chaque famille bricole, mais autour de moi, la tendance est de garder l’appellatif de la génération précédente.

Fête des grands-mères : pourquoi elles refusent qu’on les appelle mémé ou mamie

Ce dimanche 6 mars, c’est la fête de celles qui occupent une place à part dans notre cœur : nos grands-mères. De plus en plus, elles choisissent elles-mêmes leur petit nom.

Beaucoup de grands-mères refusent qu’on les appelle mamie. Parmi leurs raisons : ne pas se reconnaître dans une image trop traditionnelle. (©AdobeStock / Kaspars Grinvalds)

Elles sont actives, dynamiques. Elles s’occupent d’associations, voyagent. Elles font du sport, se trouvent des amoureux… Bref ! Elles ne veulent pas être renvoyées à leur fonction de garde d’enfants et elles imposent leurs noms cools. Ce sera Mamouna, Mamita, Mamoune…  et pépé sera Dadou ou Babou

Pourtant les stéréotypes ont la vie dure : l’appellatif Mamie est devenu nom commun en français. Les dictionnaires Robert et Larousse donnent en seconde acception : « Vieille femme », ce qui correspond bien aux représentations du discours ordinaire. Certes, le mot représentation est ambigu et les sciences sociales se plaisent à dénoncer une façon arbitraire d’imposer une vision péjorative des femmes âgées. Mais dans l’intervalle, le temps a rattrapé les retraitées alertes.

Les voici associées au quartier où elles sont désormais confinées, si chancelantes que leurs pas lents s’arriment à leur caddie :

7ème arrondissement, Denis Salem (63 ans) : Dans la mesure où c’est un des accès à la tour Eiffel hein donc automatiquement y a énormément de touristes notamment dès le printemps […] aujourd’hui donc c’est assez curieux comme contraste entre les mamies permanentées  avec leurs caddies et les touristes qui descendent des tuk-tuks ! (cfpp2000)

Ce n’est pas seulement leur espace de mobilité qui diminue. Le mot a une affinité étroite avec « petite », comme si tout dans leur corps s’était rétracté :

Bagnolet, Léa Samvarian (55 ans) : Euh… quand y a une petite mamie du quartier qui a un problème on fait passer une annonce en disant « Qui peut faire les courses pour les dames du quatre-vingt-trois ? » (cfpp2000)

Les évènements qui affectent leur vie rétrécissent aussi :

Ivry, Monique Chaslon (53 ans) : On connaît quand même du monde sur Ivry donc on… on parle avec nos voisins […] ben j’ai une mamie là à côté qui me raconte ses petits malheurs je m’occupe de son linge (cfpp2000)

Le discours jeuniste n’est pas pour grand-chose dans ces exemples glanés auprès de Parisiens, même s’il est clair qu’ils sont un peu péjoratifs. Personne n’a envie d’être « traitée de mamie », mais hélas ! Le discours ne donne pas arbitrairement forme à ces représentations. L’expérience les nourrit : le 4ème âge des démographes commence. Les yeux se ferment à demi sur les livres. Les mamies trop maigres, ou trop grosses doivent reprendre haleine au retour du Franprix. Elles se sentent dépassées par les téléphones mobiles. Elles oublient les noms. Comment s’appelaient ces fleurs que je plantais sur mon balcon ? Elles regrettent leurs morts, mais leur souvenir s’effiloche…

Références

passagedutemps.com/2020/04/24/vieux-vieillards-seniors-aines-personnes-agees-papy-boomers-coronavirus-4/

http://cfpp2000.univ-paris3.fr/search.html

5 réflexions sur “Les mamies du quartier

  1. Pour notre part, les petits-enfants nous appellent mamie et papi, les arrières-grands mère et grand-père sont donc depuis passés de mamie et papi tout court à mamie Jeannine et papi Claude: pas de mémère ni de pépère, ni mémé, ni pépé ! ça faisait trop vieux pour eux :))

    Par contre Babou n’est pas le plus approprié pour pépé car cela vient de babouchka qui est la grand-mère en Russie !

    Pour celles qui sont « associées au quartier où elles sont désormais confinées »
    Je ne pense pas que le terme « mamie » soit péjoratif, bien sûr il définit quelquefois comme dans tes exemples une personne âgée ayant des difficultés dans la vie quotidienne, mais c’est justement pour ne pas la catégoriser directement dans les handicapées, car c’est bien de ça dont ces exemples veulent parler. Alors ces personnes âgées qui ont besoin de nous, qui pour les courses, qui pour le repassage, on les appelle plutôt mamies avec tendresse et ça j’aime bien.

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    • Babbou ? Oui, mais le grand-père est corse. Babbu, c’est père en corse et Babbone est un peu long.
      Souvent la langue d’origine est une ressource. Je connais ainsi des « abuela » d’origine espagnole, et une « baboushka » qui vient de Russie
      Oui, mamie ne se veut en aucune façon insultant, mais le mot est associé au manque, un peu comme quand Macron parle de « nos anciens ». Tu dis toi-même qu’il euphémise le handicap.

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      • Je ne connaissais pas les termes corses !
        Bien sûr que mamie remplace avantageusement et ménage quand les intéressées, je préfère lire « il faut aider les mamies à descendre les escaliers » que « il faut aider les femmes handicapées par la vieillesse à descendre les escaliers » c’est tout de même plus élégant.

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