De Lang Co, à Sapa et à la baie d’Halong. Le pays des images (Vietnam 7)

Notre avidité d’images est insatiable. Armés de nos appareils numériques, nous arpentons le monde. Nous attendons des images qu’elles nous accompagnent et qu’elles renforcent l’expérience du voyage, voire s’y substituent. « Oui ! J’étais là. » Souvent, nos photos ne font que répéter d’autres images qui ont justifié notre envie de voyages, et qui s’étaient imprimées dans nos mémoires bien avant le départ.

Parfois, elles les infléchissent. Les rizières de Sapa n’étaient pas vertes comme sur les affiches des agences. Elles avaient la couleur bronze de la terre au tout début du printemps et cette différence m’a rendu l’endroit plus précieux. Voici le paysage de Sapa dans l’expérience particulière que j’en ai eu.

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Dans ce billet, la logique des images fait cependant que je rapproche Lang Co, Sapa et Halong parce que ce sont les lieux les plus photogéniques du Vietnam, ceux que le touriste attend, ceux que nous voulions voir.

Du col des nuages à Lang Co

D’ailleurs le chauffeur du gros taxi qui faisait la route de Hué à Hoi An s’était arrêté sans même qu’on le lui demande au col des nuages  (Hai Van) où il trouvait qu’il fallait prendre des photos, à l’entrée du village de pêcheurs de Lang Co là où on voit les vagues blanches se déverser dans la baie, puis devant les parcs à huitres.

Col des Nuages (2)

LAng CoDSC0085Vingt minutes de pause devant des barques noires dans le contrejour ; la ligne d’horizon sépare une mer d’argent et un ciel d’orage.

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Vingt minutes pour nous rendre compte que les appuis où s’accrochent les jeunes huitres sont ici fabriqués à partir de  vieux pneus. Eau saumâtre et caoutchouc n’ont pas donné envie d’essayer les huitres.

Lang Co 8_DSC0092.JPGDépart dans un léger malaise. Quelques photos et les gens ne profiteront en rien de notre arrêt.

 La montagne de marbre et la grotte du Bouddha

Tout près de Danang au centre du Vietnam, il y avait cinq collines d’où l’on extrayait le marbre nécessaire à la confection des palais. Aujourd’hui, l’exploitation est interdite et le marbre des fabriques vietnamiennes vient du nord du Vietnam. Restent les pagodes et les temples disséminés dans la forêt.

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Pour visiter la colline Hui, la seule accessible, il faut dépasser les ateliers d’où sortent en série lions, bouddhas, vierge Marie et monter 135 marches (ou prendre un ascenseur).

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Même dans les lieux habités par les dieux, on rencontre des coqs. Coqs de combat ou roi de la basse-cour du gardien, je ne sais. Celui-ci posait sur le dos d’une biche de marbre.

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Avant le tourisme de masse, le pèlerin errait dans les sentiers. Aujourd’hui, qu’il suit un circuit fléché, il longe les toits verts d’une première pagode…

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… et parvient à une petite grotte d’où émerge, à peine détachée de la montagne,  la statue du Bouddha féminin, la  déesse de la miséricorde. Les frontières entre monde minéral, monde végétal et dieu s’estompent car les plis fluides de la robe, taillée à même la roche, ont l’apparence d’une grande tige ligneuse et les mains semblent se détacher sous la poussée d’une éclosion. Ainsi la statue inverse le sens des métamorphoses d’Ovide où le minéral se saisit du vivant pour l’anéantir : ici, la vie surgit de la pierre, déjà apparentée à la déesse, par ses plissés.

Nulle angoisse de mort ne vient serrer la gorge, mais la promesse rêveuse d’une traversée possible des frontières qui vont du règne minéral au dieu secourable.

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Grotte de Hoa Nghiêm. Statue du Bouddha femme, ou « Déesse de la Miséricorde » sculptée dans la montagne

C’est pourtant dans une autre grotte  que pour le temps d’une visite, nous nous sommes laissé envahir par l’atmosphère mystique du lieu.

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Grotte de Huyên Không

Dans l’obscurité nous n’avons vu tout d’abord qu’un faisceau de lumière qui traversait l’ombre. Il provenait d’un grand trou, fruit de la dernière guerre : la grotte qui servait d’hôpital au Viêt-Cong a été bombardée par les Américains et un cratère laissé par une bombe permet aujourd’hui à la lumière naturelle d’entrer à flots.

Nos yeux se sont habitués et nous avons discerné une silhouette d’or luisant dans l’ombre : un Bouddha, en extase.

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Grotte de Huyên Không. Bouddha assis

C’était une joie inattendue d’être dans le temple de pierre face à cette énorme statue qui invitait à la sérénité. Un moment nous avons arrêté le rythme de la journée touristique (il n’y a hélas, rien de plus agité qu’un touriste qui parcourt un pays en quinze jours).

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La galopade a repris et nous avons fini par rejoindre Sapa, la ville du Nord-Ouest qui surplombe les célèbres rizières en terrasse.

Sapa

A Sapa, heureusement les images se sont mêlées aux paroles échangées avec les uns et les autres, et ce, malgré la frustration d’avoir seulement accès à ceux qui vivent du tourisme.

Nous étions montés dans les ténèbres par une route encombrée de camions que le chauffeur n’hésitait pas à doubler dans les tournants, comptant sur les phares pour savoir que la voie était libre. Cette conduite répréhensible nous a épargnés des heures de route mais nous avons eu plus d’une fois la sensation d’avoir échappé à un accident. L’arrivée à Sapa dans une rue défoncée un soir de weekend a été épouvantable. Une foule festive immobilisait le véhicule et nous avons mis ¾ d’heure pour traverser la ville. A l’hôtel, Ha la responsable, nous avait attendus jusqu’à 22 heures, bien au-delà de l’heure convenue. C’était une jeune femme souriante d’une trentaine d’années qui s’exprimait dans un anglais fluide. « Vous avez de la chance. La pluie a cessé. Demain, vous verrez les montagnes de vos fenêtres. Bon je vous montre les chambres et puis je file car mes trois enfants attendent que je revienne. » Hôtel sur trois étages. Escalier raide. « C’est pour ça que je suis mince », dit Ha en riant. Les chambres sont modestes, mais très propres et on n’entend pas de bruit.

Ha nous envoie dans un restaurant de la rue principale que nous ne trouvons pas. L’excitation générale est pénible après les heures de bus. Rues bondées de monde, vendeuses ambulantes en costume, accompagnées d’enfants sûrement morts de fatigue qui harcèlent les passants en proposant de petits objets brodés, karaokés des bars. Nous longeons les boutiques où des rangées de clients exposés au regard se font frictionner les jambes et tripoter les pieds par des masseuses mélancoliques. Nous nous arrêtons au hasard dans un restaurant. Deux familles entrent pour manger des glaces. En général, les enfants vietnamiens sont sages comme des images. Ceux-ci sont insupportables. Chaque gamin a son portable plein de jeux ou de chansons qu’il écoute le plus fort possible. Un d’entre eux, 6,7 ans à peu près, grassouillet, aux cheveux légèrement permanentés, se plante devant nous avec son portable. Le bruit est tel qu’on ne s’entend plus parler, Les parents n’interviennent pas (Ce sont peut-être des Chinois qui sont venus passer un weekend).

Au matin, le ciel est bleu. Les touristes sont moins visibles. La ville est chaotique, c’est vrai, mais entourée de belles montagnes et le petit déjeuner du Heart of Sapa est délicieux. On peut tout demander à Ha qui court au premier étage où a été installé une cuisine, préparer crêpes, omelettes ou un pho très parfumé.

Chinh, un guide francophone : sapahmongtreks@gmail.com

Nous avions décidé de prendre un guide local pour que l’argent n’aille pas à des intermédiaires.  Chinh a répondu en premier qu’il était originaire d’un village près de Sapa, qu’il était francophone et pouvait nous emmener à l’écart des grands circuits touristiques, par exemple à Ban Khoang au Nord de Sapa, habité par les Dzao rouges (Hmond Dzao), et à Ta Giang Phing chez les Hmong Noirs. Nous avons rendez-vous à 14 heures. Toute la matinée est à nous.

Nous partons à Ham Rong (le parc de la montagne). Bien qu’il soit « artificiel », il est très joli. Seuls les Vietnamiens l’escaladent. Les autres touristes courent les marchés et les villages des minorités. Dans le parc, l’étrangeté par excellence, c’est la taille, et Roland, est si grand en comparaison des Vietnamiens qu’il est sans cesse arrêté par des jeunes femmes qui veulent se faire photographier avec lui. Elles lui arrivent au menton. De temps à autres, par politesse, elles nous demandent aussi de poser. Souvent, elles ont loué des costumes Hmongs qu’elles revêtent le temps d’une photo.

Les Vietnamiens adorent les photos. Ils les prennent un peu autrement que nous en cherchant des gestes décoratifs, alors que nous voulons avoir l’air « naturel ». Sur la montagne de Ham Rong, une petite fille déguisée posait avec une telle grâce que tout le monde souriait.

Fillette dans le parc de la montagne

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Chinh est arrivé à l’heure, souriant. Il est anglophone et francophone et la qualité de son français est remarquable. Il n’a pas trente ans. On lui a redit qu’on voulait éviter  de croiser trop de monde. Il a répondu qu’il avait compris et qu’on partait à une heure de route où des Hmongs rouges et des Hmongs bleus nous accueilleraient.

En chemin, il expliquait les cultures, montrait les champs d’indigo, la cardamome. Après quarante minutes de jeep, nous suivons à pied un sentier de terre battue jusqu’à une maison de planches disjointes, couverte de tôle. Le dénuement à l’intérieur fait honte à notre voyeurisme : pièce unique chauffée par un foyer  sans cheminée (ce qui permet de fumer les saucisses qui pendent au plafond, mais n’est sûrement pas recommandé pour les yeux).

Sapa_foyerDSC0401Sapa. 19. Maïs.JPG

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Dans la courette, les  gorets exultants, impatients, gloutons se gorgent de pâtée.

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Autre village, autre maison. Les Hmongs rouges nous attendent. Ces belles femmes rieuses et bonnes commerçantes essaient de vendre leurs broderies. Et nous les repus de l’Occident, nous discutons les prix. Ça n’empêche pas de rire. Elles ont des visages doux, ronds et cuivrés et ne montrent pas leur déception d’avoir eu affaire à des touristes radins. Dans cette maison,  l’électricité a fait son apparition et on voit une télévision sur une des photos.

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Au retour, Chinh raconte ses rêves : acheter son 4/ 4 pour développer son activité de guide, au lieu de devoir louer les services d’un chauffeur. (Nous secouons la tête : Est-ce bien prudent d’acheter un véhicule. Combien de temps pourrait-il résister aux fondrières de la route ?)

Le soir s’est assombri. Les monts Fansipan près des portes du ciel sont des ombres bleues. Un reste de soleil vient frôler une touffe d’herbes.

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 « Quels cadeaux puis-je apporter demain, ai-je demandé ? Je n’ai pensé à rien. On dit qu’il faut des crayons. » « – Apportez plutôt des brosses à dents et du dentifrice. Ils n’en ont pas à la campagne. Quelques années après les bonbons, les enfants ont des carries partout. C’est mon cas. J’ai vraiment mal et il faut descendre à Lao Coï pour trouver un dentiste ». De fait, j’ai vu des papiers jetés sur le chemin avec l’étiquette  « Haribo ».

Le matin, rendez-vous à 9 heures pour une balade un peu plus longue dans les rizières, avec arrêt dans un gite pour le déjeuner.

Un chemin descend doucement. Quelques touffes de bambous et le scintillement de rizières bien irriguées.

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Les collines sont sculptées par des milliers de gradins séparés de quelques mètres les uns des autres. L’eau circule du niveau supérieur jusqu’aux niveaux inférieurs.

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Le riz n’a pas encore été repiqué. Il faudrait être là en mai pour que les collines soient vertes et en septembre – octobre, pour qu’il vire au jaune. Nous ne voyons pas le paysage le plus pittoresque, mais  les collines arrondies couvertes de rizières fauves sont une œuvre d’art géante.

Sur le chemin défoncé, une noria de motos avec leur surcharge habituelle. En attendant la mousson, les hommes réparent les canaux d’irrigation, transportent des matériaux ou construisent des maisons. La communauté des hommes a cependant des loisirs. En Chine, les Hmongs étaient d’abord des chasseurs. Les hommes continuent à aller dans  la forêt pour tuer des écureuils volants, des singes, des cerfs et même des ours noirs.

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Nous passons près de la maternelle : les élèves accourent pour nous saluer. On leur a appris la politesse disciplinée. A Hanoi dans le temple dédié à Confucius, on explique que la première tâche est d’enseigner le respect et l’obéissance. Elle a l’air de s’appliquer à Sapa.

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Conversations : avec Chinh, nous découvrons que l’éducation coûte cher. Pour avoir un diplôme, il faut un père qui se saigne aux quatre veines  « Le mien s’en fichait, dit-il. Je n’ai pas fait d’études ». Quel contraste avec  les écoliers des écoles privées que nous avons croisés à Ha Noi dans leurs beaux vêtements, accompagnés de jolies professeures qui leur parlaient anglais. Aujourd’hui encore, dit-il, les familles des minorités ne sont pas obligées d’envoyer les enfants à l’école. Cependant Chinh est certainement très doué pour les langues. Il a appris le français grâce à l’Office de Tourisme de Sapa et cet apprentissage a été remarquable. Avec ou sans diplôme, c’est un guide intelligent et charmant.

Il a organisé pour nous des visites où chacun trouve son compte. Personne ne manipule d’argent devant nous, mais il nous a dit que les villageois sont rétribués pour leur accueil. Tout au long du parcours, il a raconté les modes de vie des villages, expliqué les techniques de culture et d’artisanat, évoqué son amour des montagnes…

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Chinh. Guide francophone de Sapa

Il fait très chaud dans les rizières ; ce n’est pas la chaleur moite de Saïgon, mais le soleil de onze heures est brûlant. Chinh semble danser sur les sentiers un peu en avant. cependant, il est toujours là pour nous tendre la main quand le sentier devient escarpé.

Déjeuner, la propriétaire du gite s’affaire dans sa cuisine, son bébé sur le dos. Elle coupe hache, tourne, mélange les épices. Elle disparaît ensuite nous laissant savourer le repas le plus délicieux du voyage.

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Cette jeune femme (comme les hommes) est vêtue à l’occidentale, même si le harnais du bébé est orné des précieuses broderies traditionnelles. La cuisine n’est plus du tout rudimentaire. La maison, outre les pièces du gîte, dispose de chambres séparées pour les membres de la famille.

Retour vers la vallée et les dalles de pierre de la rivière. Pêcheurs, lavandières. Le linge sèche sur les clôtures, ou sur des perches devant les maisons. Au fond, le barrage qui apporte l’électricité. En route, nous croisons les bassins où on élève des poissons de rivière. Peu à peu, la vie devient moins dure.

Le tourisme gagne. Sapa déborde le long des routes. De nouveaux hôtels de luxe dominent à présent les rizières.

Ha à l’hôtel Heart of Sapa

Comme dans beaucoup d’endroits, on a d’abord envie de dire le personnel de l’hôtel Heart of Sapa, est gentil et efficace. La gérante, Ha, nous a aidés à réserver un mini bus pour faire les 300 kilomètres de l’aéroport de Danang à Sapa. C’est elle qui a réservé le train de nuit Lao-Cai Hanoi car nous étions incapables de trouver quelqu’un qui répondait à nos mails en anglais. Au dernier moment, elle a déniché le taxi qui pouvait nous descendre à la gare de Lao Cai. Lorsque nous sommes revenus des rizières, nos chambres étaient déjà rendues, elle a ouvert une pièce pour que nous puissions nous doucher avant de repartir. Des jus de fruit nous attendaient que nous n’avons jamais pu payer.

Elle a quelque chose de plus qui fait qu’on aime son hôtel, une spontanéité, une envie d’échange qui n’est qu’à elle. Nous ne sommes pas restés longtemps, mais j’aurais aimé être son amie.

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Je ne sais plus comment nous en sommes venues à parler de la condition féminine au Vietnam.

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Je lui ai dit :

–  J’ai vu partout des femmes qui travaillaient comme des folles. dans les marchés, elles étaient vendeuses, mais en même temps, elles tressaient du bambou, ou elles égrénaient des baies. Et je les ai vues la plupart du temps le dos courbé. Elles portaient des fagots, ou des enfants. J’ai vu des hommes assis bavarder tranquillement, mais je n’ai pas vu de femmes inoccupées.

–  Oui ! Les femmes apprennent à travailler tout le temps. Elles cumulent leur travail salarié ou le travail aux champs, les corvées ménagères, le soin des enfants… et on leur demande d’être souriantes. C’est leur vie. Nous sommes soumises plus profondément encore. Nous nous marions à quinze, seize ans. Si nous attendons un peu, on se moque de nous. A trente ans, c’est déjà trop tard.

Et on nous apprend à n’être pas jalouses, à vivre pour les enfants. De toute façon, le divorce est honteux.

Ici, une femme peut s’estimer heureuse si son mari ne boit pas, s’il ne se drogue pas (les fumeurs d’opium sont nombreux). La maison est l’affaire de la femme, même si elle travaille. La maison est comme une usine qui repose sur ses épaules. Si elle s’arrête, tout s’arrête. Alors elle continue. Elle est là, toujours disponible et puis la vie passe.

–  En Europe, tout a changé en cinquante ans. Les filles sont sorties de ces rapports de servitude. Je ne dis pas qu’elles ont la liberté, mais elles ont les mêmes contraintes que les garçons. L’espoir est vraiment permis pour les filles chez nous.

– Mon aîné a quinze ans. Il est révolté. c’est normal, mais du coup tout est compliqué. Je fais attention car avec la violence de l’adolescence, il pourrait aussi bien quitter la maison d’un coup. Pour mes filles, je peux analyser ce qui se passe, mais de là à le changer. Je me fais encore plus de souci pour elles. Qu’est-ce qu’elles vont devenir ?

Après mes amis sont revenus et nous avons parlé d’autre chose jusqu’à l’arrivée du taxi.

Qui profite de l’essor touristique de la région ? Si l’on peut croire quelques rencontres de hasard et quelques lectures sur internet, bien peu revient aux villageois.  Dans un restaurant, des clients qui ont pris le temps de parler avec nous ont dénoncé le manque de démocratie :   » Le parti communiste, disaient-ils, organisent des parodies d’élection avec des candidats qu’il désigne. Nous ne sommes pas représentés… Et puis, les responsables locaux s’enrichissent sur notre dos. Vous payez des taxes à l’entrée des villages, soi-disant pour qu’on puisse construire une route. La route, nous l’attendons toujours et les responsables locaux prennent l’argent ».

Baie d’HaLong

Au choix, deux origines pour Ha Long qui signifie « descente du dragon » en vietnamien. Un dragon, descendu dans la mer, aurait entaillé la montagne avec sa queue. Le niveau de l’eau étant monté, seuls les sommets les plus élevés émergent. Pour leur part, les géographes écrivent que le site s’est formé à la fin de l’ère primaire lorsque des rochers calcaires se sont affaissés avant de se décomposer. Seul le silex a résisté à l’érosion créant quelques 3000 îlots abrupts répartis sur une baie qui a pratiquement la surface de la Guadeloupe, soit 1550 kilomètres carrés.

Bien sûr, le yacht est fantastique ; il est flambant neuf. L’équipage est attentionné et efficace.

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Salle de bain du bâteau de l’Orchid Cruise

L’itinéraire permet d’éviter le gros de la flotille touristique parce qu’il part de Vinh Lan Ha qui est  à l’écart des circuits les plus empruntés.

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Le dîner est spectaculaire, les activités (kayaks, baignade, visite d’une grotte) très plaisantes.

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Tout ceci ne serait rien sans ces blocs sombres qui tombent dans la mer, sans le changement de l’atmosphère qui à la tombée du jour a métamorphosé le paysage en estampe. Impossible de savoir si les les formes des montagnes paraissent noyées dans le brouillard parce que la peinture d’inspiration chinoise nous a appris à les voir ainsi, ou si les représentations des artistes s’expliquent par la nature à la fois tourmentée et vaporeuse des pierres et du ciel.

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La nuit on entend des bruits de pluie contre les vitres du yacht, puis la pluie diminue. Au matin, le ciel a sa couleur café au lait habituelle et  les couleurs reviennent peu à peu.

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Une dernière visite pour comprendre que la baie recèle des gouffres et des grottes

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Reste le nom que nous faussons  en oubliant Dihn Vu trop difficile à garder en mémoire. Nous avons vu la baie d’Halong. Nous avons vu la baie d’Halong avant que tout soit détruit par le tourisme auquel nous participons. Avant que les cannettes de bière et de coca ne flottent partout.

Nous l’avons vue, la baie d’Halong.