Paris dans le mélange des langues

Pendant la semaine passée à Avranches, j’ai entendu parler français. De retour à Paris, je retrouve un bain de langues, un peu déconcertant parfois. Il y a évidemment, l’anglais, les langues asiatiques, l’espagnol et l’italien des touristes qui trainent leurs valises à roulettes à la recherche de leur location de vacances. Il y a aussi les langues africaines des ouvriers et des nounous, ou l’arabe des commerçants du marché. Bien sûr, le portugais des copines de ma concierge de l’immeuble. Maria m’a pourtant raconté qu’on se moquait de son accent quand elle revient au pays pour les vacances. Paris parle étranger. Parfois cela ne va pas sans malentendu. Je n’ai pas réussi à m’entendre avec un vendeur vietnamien qui croyait que je l’interrogeais sur la quantité de nems que je désirais acheter, alors que je demandais le prix à la douzaine.

Parfois, des amis s’inquiètent des langues que les Parisiens parleront dans 30 ans !

Bien sûr, tout au long de l’histoire, Paris, ville-monde a été un creuset de langues ce que raconte fort bien le livre de Gilles Siouffi, sous le joli titre de Paris Babel.

L’italien de la cour s’est ainsi renforcé après le mariage de Catherine de Médicis avec Henri II. On ne compte plus alors les mots qui pénètrent le français, que ce soit dans le domaine de la guerre  (alarme, escarmouche, cartoucheattaquer, etc.), de la finance (banque de banca  comptoir de vente banqueroute, crédit, faillite, etc.), de la peinture (coloris, profil, miniature), de la musique (cantatrice, concerto, adagio), de l’architecture (belvédère, appartement, balcon, chapiteau, etc.).  Cette importation massive a été moquée par les grammairiens du 16e . Henri Estienne (1528-1598), un imprimeur protestant érudit, raille le jargon de la cour dans un pamphlet célèbre, Deux dialogues du nouveau français italianizé, et autrement desguizé, principalement entre les courtisans de ce temps. De plusieurs nouveautez qui ont accompagné ceste nouveauté de langage. De quelques courtisianismes modernes et de quelques singularitez courtisianesques (1578).

Aujourd’hui l’arabe joue un grand rôle comme le rappelle Jean Pruvost l’auteur du malicieux Nos ancêtres les Arabes, ce que le français doit à la langue arabe. Les gens âgés associent arabe et mots dépréciatifs du temps de la colonisation, gourbi (vieilli), mais aussi bled, kasbah, soukh, Il faudrait rendre aux élèves des banlieues l’histoire des mots d’origine savante : algèbrezéro, algorithme, ou des termes d’astronomie comme zénith. Il faudrait rappeler les fruits et les fleurs venus de l’autre côté de la Méditerranée : abricotjasmin, artichaut, aubergine souvent passés par l’espagnol comme naranja, venu de l’arabe narandj.  On trouve aujourd’hui des expressions venues des cités qui paraissent encore exotiques :  avoir le seum, pour être en colère, avoir le cafard, de l’arabe semm, synonyme de venin ;  ou bien hass l’expression signifiant la honte, la prison, la galère Tellement la hass tu fais n’importe quoi, tu bosses comme un âne — (Rohff, Paroles de la chanson, La Hass, 2005)  De l’arabe hassd (volonté de nuire). Wiktionnaire. Ou le célèbre kiffer (de «kif»), aimer, raffoler.

Pour ma part, je suis surtout frappée par l’anglais… Je pourrais noter les mots de la radio. Rien que pendant une heure, j’ai entendu spoiler, les people, les smartphones, faire le buzz… En rentrant par le métro, j’ai pu voir des expressions non traduites en anglais. Le féminisme des grandes marques se dit stand up… « levez-vous ? Révoltez-vous ? Dressez-vous ? ou finalement stand up. Même si les Français commencent à savoir un peu d’anglais, beaucoup ne sont pas à l’aise, mais le féminisme des jeunes passe par l’anglais

8 mars 2025. Dans le métro

Et cette maison du rêveur, pourquoi l’anglais suscite-t-il un désir plus fort d’aller la voir ?

Bon, c’est la balade d’une observatrice grognon des petits faits. L’essentiel, on le sait se passe ailleurs… Mais je connais le triomphe de l’anglais pour les publications scientifiques. Un jeune chercheur qui rédige en français est quasiment hors course !

Dans les grandes entreprises aussi les cadres doivent manier l’anglais. ENGIE anonce la montée en compétence en anglais ?

Dans un contexte de mondialisation croissante, maîtriser l’anglais devient un atout incontournable pour toute entreprise cherchant à collaborer efficacement à l’international. C’est le défi auquel ENGIE a été confronté lorsqu’une équipe anglophone a intégré son organisation. Pour fluidifier les échanges et garantir une collaboration harmonieuse entre équipes, ENGIE a fait appel à YESNYOU. Découvrez comment les équipes d’ENGIE ont pu monter en compétence en anglais et relever ce défi avec succès, grâce à des formations adaptées.

Et je me suis laissé raconter que dans certaines entreprises, les réunions se passent en anglais même lorsqu’il n’y a que des Français. C’est encore une sorte de comédie qui se joue là : pour bien des participants, s’exprimer en anglais prévaut sur ce qu’ils ont à dire et leur souci de représentation prévaut sur l’efficacité à leur pensée. Mais c’est sans doute une période de transition.

Crèche. Paris 16e

Les bébés de demain seront de parfaits bilingues !

PRUVOST Jean, 2017, Nos ancêtres les Arabes. Ce que notre langue leur doit, Paris, JC Lattès.

SIOUFFI Gilles, 2025,Paris-Babel, Arles, Actes Sud.