Vietnam

Je ne vais pas refaire Le Guide du Routard ou Lonely Planet qui fournissent des renseignements pratiques bien utiles, (même si certains sont obsolètes). Je vais plutôt rassembler sous forme thématique des impressions de voyage. Elles tournent autour de la façon dont quatre Français ont vécu leur étrangeté pendant quinze jours passés au Vietnam. Voici donc un ensemble de vignettes, des images d’un Vietnam vu d’ailleurs. Comme souvent, le voyage écrit donne envie de repartir aussitôt pour voir mieux et autrement. Même superficielles, elles disent au moins combien le pays est beau et ses habitants attachants.

Le Vietnam, c’était d’abord l’idée de Marie. Bien sûr, en quinze jours, ils n’auraient pas le temps de connaitre le pays, mais ils en auraient une idée. Marie ne cherchait pas seulement l’exotisme. Elle voulait retrouver la sérénité qu’elle avait cru trouver au Laos, malgré la pauvreté du pays, et puis elle voulait voir le pays où avait vécu un grand-père médecin au temps de la colonisation. Le père de  JM avait lui aussi été mêlé à l’aventure coloniale. De ce passé, il était resté un tableau accroché dans la salle à manger qui représentait deux pains de sucre dressés dans la mer et qu’il chérissait d’autant plus que le tableau parlait d’un ailleurs complètement imaginaire. Ses frères, plus âgés, se souvenaient d’avoir joué dans une cour d’école avec des enfants à moitié nus. Son père évoquait plutôt les années de guerre passées dans un camp japonais d’où il avait été rapatrié, tellement malade qu’il avait démissionné de l’armée. Lui, s’inventait une origine vietnamienne chimérique.

S. voulait pour sa part confronter ses souvenirs de militante des comités Vietnam avec la réalité présente. Qu’en était-il du « vaillant petit peuple vietnamien » qui avait su « tenir tête aux impérialistes » ?

Alors pourquoi pas le Vietnam ?

Nous avons bricolé notre voyage à 4, réservant train, hôtel, avion de façon à parcourir la majeure partie du pays, Ho Chi Minh-Ville, Hué, Hoi An, Sapa, Baie d’Ha Long, Hanoi… Tout est facile avec Internet. On peut même trouver les horaires des trains : (https://www.voyagevietnam.co/comment-aller-de-hanoi-a-sapa-et-vice-versa/Ensuite, il suffit de passer par les hôtels serviables et efficaces pour réserver des places dans les trains.  A cette occasion, nous avons découvert qu’il était inutile d’écrire en français. Personne n’utilise le français sur les sites touristiques.

Cet effondrement du français s’est constaté tout au long du voyage. Nous avons rencontré deux francophones en tout et pour tout : un Français d’origine vietnamienne, employé dans une banque de Montpellier qui passait des vacances à Sapa et un guide Hmong qui avait décidé d’apprendre le français hors des circuits scolaires pour élargir sa clientèle. Des clients lui avaient même appris à chanter « Trois kilomètres à pied, ça use les chaussures ! », mais cela ne suffisait pas pour qu’on puisse parler d’une communauté francophone. Si l’appartenance du Vietnam à la francophonie a un sens politique pour les deux pays (et tant mieux si cela permet de subventionner quelques centres culturels), elle ne correspond à rien sur le plan linguistique. Les Vietnamiens, peuple pragmatique, ont effacé le contentieux de la guerre avec les Etats-Unis et se sont mis à l’anglais.

 

Les noms

Les noms des lieux sont les dépositaires de l’histoire mouvementés des peuples. Surprise ! Le nom Vietnam, qui impose l’idée d’un ensemble homogène, date de la fin du 18ème siècle. Autant dire, hier ! Derrière l’évidence d’un nom, une histoire complexe.

Pendant le premier millénaire de notre ère, le Nord était une possession chinoise désignée sous le nom d’Annam, le « Sud pacifié », nom qui servira longtemps à le désigner en Occident. En 932,  l’effondrement du pouvoir chinois permet au Dai Viêt, le « Grand Việt », de devenir un royaume tout en continuant à payer tribut à la Chine. Au cours d’un processus séculaire appelé Nam Tiên, la « Marche vers le Sud », les Viêts conquièrent le territoire qui va devenir celui du Viêt Nam, aux dépens du Eoyaume du Champa et de l’Empire Khmer. Ils l’emportent à la fin du 18ème siècle avec l’aide de la France. Gia Long devient l’empereur du pays, qui prend seulement alors le nom de Việt Nam.

En 1858 cependant, les Français s’emparent du Sud du pays qu’ils annexent sous le nom de Cochinchine. Vers la fin du siècle, ils imposent un protectorat au Centre (Protectorat d’Annam) et au nord (protectorat du Tonkin). Les empereurs Nguyễn ne conservent qu’une autorité symbolique sur l’Annam et le Tonkin, tandis que la Cochinchine est considérée comme une partie intégrante du territoire de la France. En  1887, les trois entités sont intégrées à  l’Indochine française .qui perdure jusqu’à la défaite de Diên Biên Phu. En 1954, les Français reconnaissent l’indépendance du Việtnam, cependant divisé entre un Nord communiste et un Sud militairement soutenu par l’armée des Etats Unis. De 1955 à 1975 commence une seconde guerre entre la République démocratique du Viet Nam soutenu par le bloc de l’Est et par la Chine et la République du Sud Viet Nam alliée aux Etats Unis qui interviennent de plus en plus, notamment avec des bombardements massifs qui font des millions de victimes, avant d’arrêter une guerre de plus en plus impopulaire.

Cette histoire violente nous sort quand même du face à face de la période coloniale et rappelle que les guerres menées par les Viets pour conquérir le pays ont été âpres et longues. Comme ailleurs, il faut des siècles avant d’aboutir à un Etat  « au singulier » et celui-ci impose une dénomination d’origine ethnique (viet) à la diversité des populations.

Saigon encerclée se rend en 1975. En guise de punition pour n’avoir pas épousé le communisme, Saigon est frustrée de son nom et devient Ho chi Minh-Ville du nom du dirigeant communiste qui a gagné la guerre. En effaçant le nom de la ville rebelle, les communistes cherchent à imposer le mythe d’un peuple vietnamien uni contre l’impérialisme américain. C’est une reconstruction, évidemment et les boat people qui fuyaient le pays et qui ont été accueillis par l’Occident en sont un témoignage. Ces changements de nom sont fréquents et nous avons connu pendant la Révolution française des villes françaises châtiées pour avoir défié le pouvoir, comme Marseille un temps devenu la Ville-sans-nom, ou Chambord, verlanisé en Bordchamp, ou Vaugirard rebaptisé Jean-Jacques Rousseau. Comme nous ne parlons pas le vietnamien, nous ne savons pas si l’ancien nom perdure ou s’il a été recouvert par la nouvelle identité imposée par les communistes.

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Affiche célébrant la victoire contre les Américains. Musée de la Révolution. Hanoi

Les banderoles rouges et jaunes accrochées dans toutes les villes montrent les efforts du régime pour raconter à sa façon le Vietnam. Elles ont encore le style des affiches conservées au musée de la Révolution d’Hanoï. Mais déjà, les affiches commerciales (avec les mêmes jeux de caractères posés sur un fond rouge rutilant) montrent l’importance prise par les entreprises capitalistes, qu’il s’agisse de programmes de construction….Hanoi. Affiche pour des programmes immobiliers

ou de friandises :Confiserie

Motos et scooters

Arriver au Vietnam, c’est découvrir les scooters qui règnent sur la ville où ils ont largement supplanté les vélos. Ils occupent les trottoirs, parce qu’il faut bien stationner quelque part,

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et c’est eux qui donnent son rythme effréné à la ville car rien ne les arrête.

La horde des motards_172627

Plus généralement, motos, automobiles, vélos et piétons avancent en suivant une seule règle : ne pas marquer d’arrêt. Une exception quand même… Lorsqu’il y a des feux rouges au croisement des grandes artères, les automobiles s’interrompent. Mais les motos et les vélos se faufilent dès que possible.

Aux rugissements des moteurs s’ajoutent les coups de klaxons pour signaler aux conducteurs latéraux qu’ils doivent faire attention, ou pour prévenir celui qui est devant qu’il est temps de démarrer. Le boucan des véhicules déchaînés (c’est le mot qui me vient pour ces sons qui vrillent les tympans) est tel qu’on ne s’entend qu’en criant.

Au début, le touriste voit ces motards comme une horde impitoyable et croit qu’il ne pourra jamais passer, puis il se décide à traverser en suivant l’exemple des Vietnamiens qui ne semblent pas du tout incommodés et qui  avancent paisiblement sur la chaussée. De vieilles femmes tirent leurs carrioles au milieu d’un grand carrefour ; de tout petits enfants descendent du trottoir sans que leur mère ne lève les yeux.

Hanoi. vieille femme et sa carriole_DSC0464 (1).JPG

Les engins slaloment, passent à droite, à gauche, empruntent même parfois un bout de trottoir libre en évitant grand-mères et petits enfants. Le conducteur qui a l’air de foncer sur eux s’écarte au dernier moment. Ce n’est pas l’anarchie, mais un mode d’organisation qui consiste à ne faire attention qu’à l’obstacle situé immédiatement devant. Le véhicule situé derrière fait de même, bifurquant à son tour au dernier moment. Le système marche plutôt bien.

Même les animaux ont l’air de vivre en paix avec les véhicules et les poussins qui batifolent dans les caniveaux d’Hanoi ne semblent pas dérangés par la présence proche des motos.

Hanoi. Les poules sur le trottoir. JM.20180306_173818

En un sens, cela vaut mieux que nos injures parisiennes lorsqu’un coup de frein intempestif survient. Ici, personne ne crie ; personne ne s’insulte… Je me suis pourtant laissé dire que les accidents sont fréquents.

De toute façon, comment faire autrement dans des villes surpeuplées où il n’y a pas de métro et pas assez de bus ? La moto est un indispensable moyen de transport pour les gens et pour les marchandises. Rien qu’à Ho-Chi-Minh, il y en a près de 9 millions pour 10 millions d’habitants (selon France 2, mis à jour le 12/03/2018). La moto sert à transporter des familles entières:

Hanoi, famille à moto_DSC0533

Les Français habitués aux normes de sécurité sont stupéfaits et découvrent qu’un régime politique autoritaire est beaucoup moins normé que n’importe quel pays européen pour ce qui est comportements quotidiens? Sans doute, parce qu’il n’y a pas de solution alternative aux déplacements… mais tout de même, tous ces enfants sans casque !

Pour les transports de marchandises, c’est la même chose. Chaque touriste  collectionne les photos des livreurs avec leurs improbables chargements :

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Hanoi. Vendeuse_DSC0463 (1)

C’est même devenu un argument touristique et devant l’Opéra d’Ho-Chi-Minh on a installé une cargaison de vanneries en équilibre sur un vélo, comme un symbole du Vietnam.

4. HCM Vanneries devant l'Opéra.JPG